Chapitre 3 (Nolan)

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_ Alors c'était comment ? me demande mon père lorsque je fais mon retour dans la salle d'attente.

J'ignore sa question et je lui lance :

_ On dégage d'ici sur-le-champ ou je fais un scandale.

Il ne prend pas ma menace à la légère. Il sait très bien ce dont je suis capable.

_ Bon... J'en déduis que ça ne s'est pas très bien passé...

Je ne lui réponds pas et m'empresse de quitter le cabinet en prenant soin de fusiller du regard la secrétaire au passage. Mon père m'emboite le pas et finit par me rejoindre tandis que je dévale déjà les escaliers de la montée de l'immeuble.

_ Qu'est-ce qui te rend furieux ?

_ Ce qui me rend furieux ? Tu rigoles, tu as raconté toute notre vie à ce psy !

_ Je ne lui ai pas tout dit. Juste ce qu'il faut pour qu'il sache en quoi il peut t'être utile, se justifie mon père.

_ Tu fais chier... Enfin bref, peu importe, c'est hors de question que je retourne voir ce mec. Hors de question, tu m'entends ?

Une fois dehors, je poursuis mon chemin d'un pas nerveux, précédant mon père de quelques mètres. Bientôt, il me lance à nouveau, comme pour me raisonner :

_ Ce n'était que la première séance, c'est normal que ça te remue un peu. Mais je suis sûr que ça peut te faire du bien de te confier à quelqu'un.

_ Je n'ai pas besoin de me confier. Et je vais très bien je te signale. Alors arrête de me traiter comme si j'étais malade en m'envoyant chez un docteur.

_ Je ne te traite pas comme si tu étais malade. Je veux juste t'aider.

_ Pour la énième fois, je n'ai pas besoin d'être aidé.

_ Et tes exploits de l'an dernier, je suis censé faire quoi ? Les oublier ?

_ Exactement. C'était une mauvaise passe, c'est tout. Je vais mieux maintenant.

Je vois qu'il me fixe avec un air perplexe alors j'ajoute :

_ Papa, je t'assure que ça ne se reproduira plus. J'en ai fini avec les coups de sang. Pour te dire, je me sens aussi serein qu'un moine bouddhiste.

Mon père ne peut s'empêcher de rire. Un peu vexé, je le questionne :

_ Qu'est-ce qui te prend ?

_ Non rien, je suis en train de t'imaginer en moine bouddhiste, dit-il, amusé.

_ Très drôle... je réponds d'un ton bougon.

Il retrouve soudain tout son sérieux et ajoute :

_ Je vais te faire confiance. J'espère que tu ne me mens pas.

La vérité, c'est que je sens bien que rien n'est arrangé. Il m'arrive toujours d'avoir ces accès de colère, ceux-là même qui m'ont déjà causé tant de torts par le passé. Je ne comprends pas pourquoi je suis comme ça. De temps en temps ça me prend et c'est comme si je deviens fou. Pourvu que je sois en mesure de me contrôler, je ne demande que ça.

Je m'efforce de rassurer mon père et lui dis, en tâchant d'avoir l'air sûr de moi :

_ Tu n'as pas à t'en faire. Bon, on rentre maintenant ou tu m'as prévu une autre mauvaise surprise ?

Il reste silencieux un instant avant de me répondre dans un sourire :

_ En effet, on peut rentrer. Ou alors on peut aller se prendre une glace...

Une tête de mule, c'est ce que j'ai dit. Au moins, il semble s'être enfin détendu un peu.

_ D'accord pour la glace. Tu ne vas jamais lâcher l'affaire sinon.

J'ai beau faire le difficile, je ne suis pas mécontent que nous partagions un petit moment entre père et fils. Ça ne se produit pas si souvent, pour ne pas dire jamais. En réalité, depuis que maman est morte, nous ne faisons que nous affronter. Alors si une glace peut nous permettre d'enterrer la hache de guerre l'espace d'un après-midi, pourquoi pas ? D'autant qu'avec cette chaleur le temps s'y prête parfaitement.

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant