Je vais commencer à croire que le sort à une dent contre moi. Après m'avoir choisi Simon comme binôme voilà que le jour où je dois le retrouver à la bibliothèque du lycée pour y poursuivre la préparation de notre présentation celle-ci est fermée en raison d'un dégât des eaux. Tout le monde sait que le lycée est en piteux état et que ce genre d'incident est donc amené à se produire de plus en plus souvent. Mais franchement, les dalles au plafond auraient pu attendre encore un peu avant de s'effondrer.
Résultat des courses, il faut que je trouve un autre endroit où travailler avec Simon.
Comme il est évidemment inenvisageable que l'on aille chez moi (il aurait vite fait de se monter la tête à nouveau) ou chez lui (la situation est assez gênante comme ça pour que je ne prenne pas en plus le risque de me retrouver nez à nez avec ses parents), je ne vois qu'une solution : la bibliothèque municipale. Et je ne peux retenir un soupir en songeant qu'il va nous falloir une éternité pour nous y rendre tant les rues niçoises sont bondées à l'heure de pointe. Il me faut accepter l'évidence, je vais devoir me coltiner Simon pendant des heures.
Je devine à la moue qu'il fait que Simon est aussi peu ravi que moi à l'idée que nous devions passer encore plus de temps ensemble. Il faut croire que la manière un peu rude par laquelle je l'ai éconduit l'autre jour et mes remarques déplaisantes lors de notre dernier rendez-vous de travail ont eu raison des sentiments qu'il me vouait. Tant mieux après tout, non pas que j'aime à me faire détester mais je préfère encore cela plutôt qu'il passe de longues semaines à se morfondre à cause de moi.
Nous prenons le premier bus en direction du centre-ville. Une bonne demi-heure de route plus tard, nous descendons place Garibaldi et nous nous engageons sur la promenade des Arts en direction de la bibliothèque Louis Nucera, reconnaissable entre toutes à son architecture si particulière, un buste soutenant une tête carrée.
Arrivé à quelques dizaines de mètres à peine de la structure, je me fige lorsque j'aperçois une silhouette familière. Voyant que je ne suis plus à ses côtés, Simon, qui avait passé son chemin, fait demi-tour pour venir à ma hauteur. Tandis qu'il me rejoint, la silhouette continue de se rapprocher et à mesure qu'elle comble les quelques mètres qui nous séparent encore, je suis assaillie d'un terrible tourment. Mes muscles se tendent, mon coeur se met à battre à tout rompre et mes jambes peinent à soutenir le poids de mon corps.
_ Ça va ? me demande Simon, inquiet de me voir devenir livide.
Je ne lui réponds pas et reste plongée dans ma torpeur. Dans mon esprit, les questions se bousculent. Que fait-il là ? Pourquoi faut-il que je le recroise aujourd'hui alors que je ne l'ai pas vu depuis des années ? Pourquoi se dirige-t-il vers moi ? M'a-t-il reconnue et s'apprête-t-il à m'aborder ? Et si tel est le cas, que vais-je bien pouvoir lui dire ?
La panique m'envahit chaque seconde un peu plus. Quant à Simon, il s'étonne toujours de me voir en proie à une telle agitation. Comme il trouve que la situation est en train de prendre une étrange tournure (bien qu'il ne soupçonne rien de la catastrophe qui s'annonce), il fait remarquer :
_ C'est moi ou ce type se dirige vers nous ?
En effet, il se dirige vers nous. La situation est critique. Je guette les alentours en quête d'une échappatoire mais je dois me rendre à l'évidence. La fuite est impossible. L'affrontement est inéluctable. Depuis le temps que j'attends ce jour, depuis le temps que je le redoute aussi.
_ Je crois bien qu'il vient nous parler, me susurre à l'oreille Simon.
_ Merci, j'avais vu, je lui rétorque sèchement.
_ Mais tu le connais ?
Simon a décidément le don de me poser les questions qui fâchent.
Si je le connais ? Je l'ai connu autrefois. Ou plutôt j'ai cru le connaître. Pire encore, je l'ai aimé. Je pensais naïvement qu'il m'aimait aussi mais ce n'était pas le cas. S'il m'avait aimée, il ne m'aurait pas abandonnée.
Je ne réponds pas à Simon qui interprète mon silence :
_ D'accord, je vois. Tu le connais et tu ne le portes pas dans ton coeur, je me trompe ?
Il ne se trompe pas. Il a même totalement raison, à ceci près que ce n'est pas que je ne le porte pas dans mon coeur. J'aimerais dire que je ne le porte plus dans mon coeur, que je l'en ai banni il y a bien longtemps déjà car au fond c'est tout ce qu'il mérite. Mais le fait est qu'il est toujours là, quelque part, à me pourrir l'existence. En réalité, je n'ai jamais autant pensé à lui que depuis qu'il est parti. Et maintenant voilà que j'ai le malheur de le recroiser par hasard au beau milieu du centre-ville de Nice. Je ne préjuge en rien de ce qui va suivre...
La suite dès jeudi ! ;)
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Juste un mec bien
RomanceDepuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...