CHAPITRE 91

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- C'était juste toi et Beth après ? Demanda doucement Tonie, en gardant ses prunelles argentées rivées sur la route sombre qui s'ouvrait devant eux.

- Ouais. Répondit Daryl, une main sur le volant et l'autre reposant sur le levier de vitesse.

- Tu l'as sauvé ?

- Elle est forte. Elle s'est sauvée toute seule. Expliqua calmement le Redneck en tournant un instant la tête vers la militaire. On est resté un moment à errer dans la nature. Il reprit en ramenant son intérêt devant lui, ses prunelles tourmentées fixant méchamment la faible lueur rouge qui émanait des phares arrières de la voiture qu'ils poursuivaient et qui roulait à environ trois cent mètres devant eux. On s'est retrouvé encerclés, elle est sortie devant moi, et.. J'en sais rien, elle était plus là. Quand je suis arrivé, une bagnole avec une croix blanche sur la vitre arrière était en train de se barrer.

- Comme celle la. Commenta Tonie.

- Ouais.

Quelques secondes plus tard, la Cadillac tressauta brièvement quand Daryl roula sur le crâne en décomposition d'un rôdeur affalé en plein milieu de la route, faisant un instant tourner la tête à la jeune femme, avant qu'elle ne ramène son attention devant elle en plissant légèrement les yeux pour surveiller la progression du véhicule qu'ils suivaient. On entendait le ronronnement du moteur résonner dans l'habitacle, le cliquetis de la carrosserie abîmée ponctuant le voyage improvisé de sa chanson discrète.

- Rick va se demander où on est parti. Reprit l'archer de sa voix rocailleuse. Le réservoir est presque vide. Il ajouta après un court silence.

- On pourrait finir ça rapidement. Proposa Tonie en observant le profil masculin qui fronçait les sourcils. T'as qu'à le projeter hors de la route.

- Nan, on est bon pour encore un petit moment. Il rassura. Et pour l'instant on a l'avantage.

- Mmh.. Marmonna la militaire en faisant une moue approbatrice.

- On verra qui ils sont. Si c'est un groupe, on regarde ce qu'ils sont capable de faire. Et on ferra ce qu'il faut pour la récupérer.

La jeune femme obtempéra d'un léger mouvement de tête alors qu'une partie de son esprit était occupée à réfléchir, avant qu'elle ne se penche légèrement en avant en voyant que le véhicule inconnu changeait de direction.

- Ils se dirigent vers le nord. Intersection quatre-vingt-cinq.

Elle échangea un regard avec son amant, et ce dernier tourna le volant pour prendre l'embranchement.

-

Dix minutes plus tard, la Ranger observait de son regard perçant la skyline d'Atlanta qui se profilait devant eux sous la nuit nuageuse, alors que Daryl passait sous le pont de Jackson Street qui enjambait l'autoroute nord, la ligne d'asphalte à peine visible qui courrait sous les roues de la Cadillac laissant entrevoir le temps qui était passé depuis le début de l'épidémie. À droite de Tonie, les plantes sauvages avaient commencé à rogner le sol en totale liberté, les branches s'immisçant doucement mais sûrement sur les déchets qui jonchaient le goudron froid, tandis qu'à gauche, sur la route qui sortait de la ville, transparaissaient les vestiges de l'exode massif qui avait eu lieu à l'époque, les carcasses des voitures accolées les unes derrière les autres sur plusieurs kilomètres se recouvrant imperceptiblement de l'épreuve du temps, immobiles dans leur linceul funeste.

C'était la première fois que Tonie prenait réellement conscience des deux années - plus ou moins - écoulées depuis que le monde avait prit sa revanche sur l'être humain. Vivre loin des villes, au milieu des bois la plupart du temps, n'avait fait que modifier la perception des jours qui passaient telle qu'ils la concevaient tous à l'époque. Et de voir devant elle ces vestiges de l'ère moderne s'effacer peu à peu du paysage la força à se questionner sur le futur. Est-ce qu'ils arriveraient à revenir à ça ? À cette pseudo normalité ? En imaginant qu'Eugene réussisse son coup de maître, est-ce qu'ils s'en sortiraient vraiment indemnes ? Non, pensa aussitôt la Ranger. Même si un quelconque vaccin permettait d'amener les Morts à leur repos éternel, il s'était passé trop de choses pour espérer un retour en arrière. Ils s'étaient tous trop adaptés à la nature hostile qui constituait leur quotidien et avaient vu trop d'horreur. En fait, ils étaient tous morts au début de l'épidémie. Ou en tout cas une partie d'eux les avait quitté. Alors comment imaginer recommencer tous ensemble ? Surtout quand on voyait l'atrocité qui s'était emparée de certains. En témoignaient les funestes silhouettes du Gouverneur et des habitants du Terminus. Est-ce qu'on pouvait aller encore plus loin dans l'horreur ?

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant