Sua Sponte

CHAPITRE 97

« Parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles. Nous savons, en effet, que si cette tente où nous habitons sur la terre est détruite, nous avons dans le ciel un édifice qui est l'ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n'a pas été faite de main d'homme. » Corinthiens 4 & 5:1

Le soleil haut dans le ciel tombant lourdement sur ses épaules nues, Tonie avançait un pied après l'autre sur la route interminable qui s'étendait devant eux, ses lèvres gercées entrouvertes sur sa respiration faible, son corps protestant à chaque effort de sa part, exigeant sa ration d'eau. La jeune femme cilla lentement pour chasser les quelques gouttes de sueur qui roulèrent sur ses paupières, et elle échangea un regard avec Rick à sa gauche, observant un instant son ami qui tenait Judith dans ses bras avant de ramener son intérêt devant elle. Elle sentait son arc et son carquois taper contre son dos épuisé à chacune de ses foulées, ses vêtements poisseux coller à sa peau déshydratée, les petits cheveux à la base de sa nuque chatouiller désagréablement sa peau brûlante. Son cerveau en manque cruel d'hydratation pulsant lentement contre sa boîte crânienne en lui donnant une migraine atroce, elle baissa la tête vers son chaton qui trottinait difficilement à côté d'elle en essayant de rester à sa hauteur, sa petite langue rose tombant entre ses babines, et elle se pencha pour le prendre dans sa main pour le porter, calant la boule de poils contre son ventre.

Trois semaines avaient passé depuis les événements funèbres survenus à Atlanta, qui avaient ébranlé les âmes déjà meurtries du petit groupe de survivants, et où l'image indélébile de Daryl portant le corps de Beth sous le soleil éclatant de fin d'après-midi resterait à jamais gravé dans l'esprit de Tonie. Trois semaines pendant lesquelles la Ranger avait appris avec douleur la mort de Bob, qui avait succombé à une morsure de rôdeur alors qu'elle était sur les traces de Beth avec Daryl. Trois semaines pendant lesquelles ils avaient tenté de rejoindre Richmond en Virginie, où habitait Noah, avant d'abandonner l'idée en découvrant avec une brutalité affligée que le quartier sécurisé était tombé depuis longtemps. Expédition qui s'était soldée violemment par le décès de Tyreese, emporté par la trace charnelle inéluctable de la nouvelle race humaine. Trois semaines de deuils, de douleurs, d'anéantissement constant, incessant, perpétuel. Trois semaines d'exode sans but sur les routes désertes du nouveau monde, à ne rien faire d'autre que survivre, autant que possible..

Daryl était inconsolable, furieux envers lui-même de n'avoir pas pu protéger Beth. Maggie était dévastée, orpheline des derniers membres de sa famille. Quant à Sasha..

Tonie lança un regard par-dessus son épaule pour surveiller la jolie métisse qui fermait la marche, observant un instant le visage fermé résolument tourné vers le goudron chaud qui s'étirait sous ses pieds et qui tenait dans ses mains le M16 que la Ranger lui avait légué. Depuis l'enterrement de son frère, deux semaines plus tôt, Sasha s'était éteinte, contenant une colère sourde qui criait à l'injustice d'avoir perdu en à peine quelques jours les deux personnes les plus importantes de sa vie.

Pinçant doucement les lèvres pour ravaler une expiration endeuillée, Tonie observa le reste de son groupe qui affichaient tous un visage grave et épuisé, avant de ramener son intérêt devant elle, fixant d'un oeil absent les oscillations discrètes qui se courbaient au loin sous l'effet de la chaleur, créant un mirage hypnotisant au-dessus de l'asphalte. Cela faisait un jour et demi qu'ils marchaient sans eau ni nourriture sous une chaleur de plomb qui refusait de changer, le dernier véhicule qu'ils avaient pu trouver les ayant abandonné la veille après leur avoir offert ses derniers kilomètres disponibles. Et ils avaient encore presque cent kilomètres à faire avant de pouvoir atteindre Washington, destination qu'ils s'étaient fixé à défaut d'avoir une autre option.