CHAPITRE 157

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Soit elle était beaucoup plus douée qu'elle ne le pensait pour se faufiler sans se faire repérer, soit les hommes de Negan avaient reçu l'ordre direct de ne pas la déranger dans son excursion. C'est la pensée qui traversa Tonie alors qu'elle continuait sa visite officieuse de l'usine qui abritait la communauté des Saviors. Elle avait bien croisé quelques silhouettes au détour d'un couloir mais, comme par hasard, ils ne venaient jamais dans sa direction.

Combien de temps allaient-ils la laisser vagabonder à sa guise avant de lui tomber dessus ? Est-ce que c'était encore un autre jeu malsain de leur part ? Une façon de l'évaluer ? Est-ce qu'ils avaient conscience de l'amoncellement d'informations importantes qu'elle était en train de récolter à chaque minute ?

Son coeur palpitait furieusement sous ses côtes à chaque nouveau pas. À chaque angle passé sans être vue, à chaque ombre empruntée pour se dissimuler. Un mélange d'excitation et d'état d'alerte permanent qui lui donnait l'impression de replonger dans l'une de ses nombreuses missions secrètes au service de ce bon vieil Oncle Sam.

Elle avait passé plusieurs pièces reconverties en studios, dans le même style que le premier qu'elle avait vu lors de sa première sortie avec Dwight. Et elle avait hésité à chaque fois à s'arrêter pour voler quelques vêtements propres ou utiliser une de leur salle de bain. Au moins pour supprimer l'odeur ignoble accrochée à sa peau sale. De dire qu'elle rêvait d'un shampoing pour débarrasser ses cheveux de la couche de crasse accumulée depuis plusieurs jours était un euphémisme. Elle aurait pu tuer pour une goutte de savon.

Mais l'envie de découverte était trop forte. Trop tentante pour perdre une seule seconde. Qui sait combien de temps il lui restait avant qu'on ne la ramène dans sa cellule exigüe ?

Le murmure régulier d'un nombre important de voix arriva à ses oreilles alors qu'elle longeait un nouveau couloir, et elle ralentit son allure en frôlant les murs, tendant l'oreille. Les voix étaient calmes, ponctuées de la nonchalance ennuyeuse d'une discussion futile. Tonie arriva au bout du corridor et s'arrêta dans l'ombre des portes entrouvertes, allongeant la nuque.

La salle principale de l'usine bourdonnait d'activité. Sous la lueur jaune dorée qui émanait des nombreuses petites fenêtres opaques, un nombre incalculable de stands de fortune étaient dispersés dans la salle, chaque table abondamment achalandée de toutes sortes de choses. Médicaments, objets en tout genre, produits d'hygiène, nourriture ( l'une proposait du pain frais qu'elle façonnait sur place, l'autre des bocaux de légumes, un autre du fromage ... ) Un genre de marché noir de l'apocalypse. Certains stands voyaient une queue d'attente se former pour les besoins les plus urgents, et à chaque fois que quelqu'un se servait, il notait quelque chose dans un carnet que chaque « vendeur » possédait. Une substitution à l'ancienne monnaie ? Une façon de tenir les comptes ? Derrière tout ce désordre apparent, il était difficile de ne pas remarquer la hiérarchie parfaitement organisée tant estimée par Negan. Toujours ce sentiment de contrôle et d'ordre.

Elle nota une succession de draps tirés entre des poteaux métalliques de l'autre côté de la salle et aperçut plusieurs lits sommaires entourés de quelques rares objets personnels. Ici, vivait le petit peuple. Les employés. Ils se contentaient du minimum pendant que les autres avaient le privilège d'un studio personnel. Rien n'avait changé dans l'ordre du monde. Tous ces gens devaient probablement être reconnaissants d'avoir la chance de dormir derrière quatre murs, protégés par l'armée barbare de leur sauveur.

Tonie sentait l'amertume envahir son palais à mesure qu'elle prenait en considération chaque détail, depuis les nombreuses lampes d'appoint accrochées un peu partout aux marchandises installées sur les tables et aux autres accès qui débouchaient sur la salle. Elle nota un escalier face à elle, légèrement sur sa gauche, qui menait à une plateforme qui surplombait la salle et... Juste là. Cet homme armé qui passait nonchalamment en surveillant la grande salle, qui n'avait pas eu le temps de détourner la tête quand elle avait posé son attention sur lui.

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant