Tonie avait l'impression d'être un poisson rouge qui tournait en rond dans un bocal. D'être bloquée derrière ces murs, de ne rien pouvoir faire d'autre qu'attendre, était en train de la consumer à petits feu, de la plonger dans une apathie de façade. Le silence imposé par la horde qui les encerclait frappait contre ses tympans, engourdissait ses sens de pensées trop éphémères pour les attraper. Ses réflexions partaient dans tous les sens, mélange d'inquiétude, de nervosité, de colère, d'incertitude et d'ennui.
À sa septième ronde le long de l'enceinte protectrice, toujours flanquée de sa boule de poils un peu trop enthousiaste pour les circonstances, elle s'approcha du pan de mur contre lequel était accolée la chapelle fragilisée, scrutant les points de contact entre les deux édifices, les endroits fragilisés par le camion des Wolves et les poutres de soutien ajoutées la veille pour consolider l'ensemble, avant de déposer les deux tréteaux en bois qu'elle avait apporté avec elle. Sans attendre plus longtemps, elle récupéra des planches de bois et des outils laissés contre l'enceinte, et elle se mit au travail, ses gestes rythmés par la voix de Rosita, qui donnait quelques cours élémentaires de défense à quelques mètres.
Sa séance de travaux pour renforcer le pan de mur mis à mal n'était qu'un prétexte pour s'occuper les mains, pour s'empêcher de penser, de réfléchir. Ils n'avaient toujours aucune nouvelle de Daryl, Sasha, Abraham, ni de Glenn. Leurs amis étaient quelque part derrière ces murs, hors de portée de talkie. Combien de temps allaient-ils rester comme ça ? En suspens entre deux heures qui s'étiraient aux extrêmes ?
Une frange de sueur poisseuse s'installa rapidement sur son front hâlé et dans sa nuque, engourdissant son cerveau léthargique alors que ses mains continuaient leur travail, inlassablement, mécaniquement. Le claquement du marteau, le ronflement de la scie, le léger couinement des vis qui s'enfonçaient dans le bois épais. Tous ces petits bruits tintaient contre son crâne, en même temps que la voix de Rosita continuait d'énoncer ses leçons un peu plus loin. Derrière la Ranger, le chaton s'étirait paresseusement sur l'herbe grasse, gavant son ventre rond de soleil tout en cillant lentement contre la brise tiède.
Après avoir découpé plusieurs planches à la même longueur, Tonie se redressa en attrapant ses cigarettes dans la poches arrière de son jean, lançant un regard en coin à Tobin qui arrivait au loin. Elle cala un tube de nicotine entre ses lèvres en récupérant son briquet, et elle alluma le bout de la cigarette d'un geste mécanique, avant d'expirer un nuage grisâtre qui alla flotter autour de son visage. Plissant un oeil suspicieux sous le soleil brûlant, elle observa encore quelques secondes Tobin qui arrivait, avant de récupérer son tournevis et sa planche posés sur les tréteaux. Elle se détourna de la silhouette gigantesque de l'habitant d'Alexandria, s'approchant de l'enceinte pour y visser sa planche, et elle ravala un juron entre ses lèvres en essayant de caler sa planche pour l'accrocher, avant de relever la tête quand la voix de Tobin s'éleva dans son dos.
— Attends, il déclara en s'approcha pour lui tenir la planche en place. Tu as l'air d'avoir besoin d'un coup de main.
Tonie l'observa un instant sans rien dire alors qu'il lui offrait un sourire avenant, sa cigarette toujours coincée entre ses lèvres, avant de se remettre au travail sans rien dire, laissant Tobin lui tenir la planche en place.
— Tu sais, je penses qu'on pourrait fabriquer des étais pour renforcer cette partie, proposa Tobin après un court silence, en tournant la tête vers la Ranger qui était en train de visser la planche aux poutre en métal.
Tonie lui lança un nouveau regard en coin, pas vraiment sûre de ce qu'elle était censée dire. Une partie de son esprit ne pouvait s'empêcher de continuer à se méfier, à rester sur ses gardes face à ces habitants inexpérimentés. L'autre lui hurlait de faire un effort, de répondre au premier pas de Tobin, d'être « civilisée », avenante. Il lui tendait une perche, il fallait qu'elle se secoue, qu'elle lui laisse une chance de prouver sa valeur.

VOUS LISEZ
Sua Sponte
Fanfiction"Son coeur battant à cent à l'heure, Tonie continuait de fixer Glenn et le Shérif qui avançaient lentement, observant avec inquiétude les corps décharnés qui se retournaient de plus en plus à leur passage à mesure que la pluie les nettoyait de l'ode...