Sua Sponte

CHAPITRE 150

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— On est comment, en essence ?

Accoudée au dossier du siège de Sasha, Tonie tourna la tête vers Rick qui venait de se poster à sa gauche, détaillant un instant le profil de plus en plus soucieux qu'il arborait. Dehors, l'après-midi se déroulait lentement sous un ciel toujours plus gris, toujours plus maussade. L'état de Maggie ne s'était pas arrangé, et ils avaient encore perdu du temps à trouver un nouvel itinéraire après le deuxième barrage qu'ils avaient rencontré, un peu moins de trois quart d'heure plus tôt. À présent, ils évoluaient le long d'une route secondaire de terre battue surmontée de chaque côté de hauts talus d'environ trois mètres de haut.

— À la moitié du réservoir, répondit Abraham, le regard rivé sur la route. On a pris quelques jerricans en plus avant de partir.

— C'étaient pas les mêmes hommes qui nous ont bloqué la route la première fois, commenta Sasha, en relevant la tête vers Tonie.

— Même uniforme, différents soldats, déclara la militaire en opinant du chef, avant d'échanger un regard grave avec Rick. Ils sont nombreux.

Le shérif garda le silence une longue seconde en considérant l'éclat doré qui scintillait d'un avertissement silencieux. Il n'aimait pas l'inquiétude qu'il pouvait discerner dans le léger plis entre ses sourcils et dans le pincement inconscient de ses lèvres.

— On continue à rouler, il reprit. Il faut qu'on amène Maggie jusque là-bas.

— On y arrivera, assura Sasha en hochant la tête.

— Même si on doit leur fourrer à chacun d'entre eux leurs couilles par le trou de balle, enchérit Abraham de sa voix grave.

Tonie lui envoya un faible sourire alors qu'il leur lançait un regard confiant à elle et Rick, avant de lancer un coup d'oeil par-dessus son épaule pour observer le reste de leur équipage. Carl et Eugene étaient assis face à face à la petite table sur la droite, et Aaron se tenait debout devant la porte ouverte de la chambre, à surveiller Maggie. Ils étaient tous sur les nerfs...

La jeune femme ramena vivement son attention devant elle en entendant Abraham freiner, ses pupilles acérées se plantant sur le barrage d'un nouveau genre qui était installé en travers de la route. Elle sentit les muscles de sa mâchoire se crisper doucement alors qu'elle fixait d'un oeil mauvais la dizaine de rôdeurs alignées devant eux, tous retenus les uns aux autres et rattachés aux talus par une longue chaîne épaisse enroulée autour de leurs corps décharnés. Les râles s'amplifièrent à leur approche.

— On peut pas traverser ça, on peut pas risquer le RV, lança Rick en auscultant nerveusement le barrage de chairs mortes qui se trémoussaient dans tous les sens. Reste derrière le volant, au cas où, il ajouta à l'attention d'Abraham. On va aller dégager la route.

Tonie récupéra son fusil et sorti la première, relevant son arme devant ses yeux en pointant le canon sur les hauts talus qui les surplombaient, cherchant au milieu du feuillage orangé le moindre signe de mouvement tout en s'avançant prudemment vers les rôdeurs qui continuaient de beugler leur appétit insatiable.

— Mettre en place une partie de Red Rover comme ça, ça demande des bras, commenta Eugene de sa voix monocorde, à droite de la Ranger qui s'arrêtait face aux monstres. Beaucoup de bras.

La jeune femme lui lança un regard en coin sans relâcher sa surveillance, détaillant en même temps le système de chaîne qui retenait les rôdeurs entre eux. L'un d'eux voyait même le lien métallique le traverser plusieurs fois dans le torse. C'était élaboré, méthodique.