CHAPITRE 151

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Le silence qui régnait au milieu des bois était insoutenable. La brume nébuleuse qui était tombée au coucher du soleil avait gagné en intensité, trimbalant ses longs filaments blancs à travers les troncs rugueux et au-dessus du sol tapissé de feuilles mortes. Le givre faisait crépiter leurs respirations. On entendait la cacophonie des animaux se mélanger dans une douce litanie. Une chouette qui hululait par intermittence. Quelques grenouilles cachées près d'un coin humide et le ronronnement des criquets. Il n'y avait pas un souffle de vent.

Tonie ouvrait la voie d'un pas souple et silencieux, son arc relevé à mi-hauteur prêt à servir et tous ses sens en alerte. Le moindre crépitement de feuille, le moindre craquement de branche lui décochait une légère décharge électrique dans la nuque. Elle sentait dans son dos la présence de Maggie, allongée sur son matelas et portée par Rick, Aaron, Abraham et Sasha, et de Carl qui fermait la marche. Ça faisait peut-être une heure maintenant qu'ils marchaient en surveillant de tous les côtés, comptant inconsciemment les pas qui les rapprochaient de La Colline.

Est-ce que les autres étaient enfin rentrés ? se demanda Tonie, en sentant son alliance rentrer légèrement dans sa peau sous la pression qu'elle gardait dans la corde de son arc. La simple idée d'imaginer le contraire lui donnait la nausée. Tout ce qu'ils avaient vu aujourd'hui prenait la teneur d'un arrière goût amer qui s'était accroché à son palais.

Des pions dans un jeu faussé...

Elle n'arrivait pas à s'enlever cette idée de la tête. Ça faisait une bonne cinquantaine d'hommes différents à trois postes différents, sans compter le groupe de Dwight de la veille. Sans compter ceux qu'ils avaient éliminé au poste satellite. Des barrages élaborés qui demandaient du temps à être installés. Ils avaient le nombre... Ils avaient le nombre et la force.

Un râle solitaire résonna au milieu de la nuit, forçant la militaire à couper ses tergiversations intérieures pour se concentrer sur le bruit humide qui approchait d'un pas traînant. Elle localisa « l'individu » à environ trente mètres, alors qu'il se trimballait une épaisse branche d'arbre de trois mètres de long en travers du ventre, et elle releva son arc devant ses yeux en bandant la corde à fond, avant d'envoyer sa flèche s'enfoncer entre ce qui restait des deux yeux du rôdeur. Le Macchabée s'effondra face la première contre le sol alors qu'ils arrivaient à sa hauteur, emportant son dernier gargouillis énergique avec lui. Tonie récupéra sa flèche d'un geste vif pour la ré-armer, lançant un rapide coup d'oeil à Carl qui revenait au niveau de son père avant de ramener son intérêt devant elle.

— J'ai entendu ce que tu as dit à Maggie, quand on partait, déclara l'adolescent à son paternel. Et ce que Tonie disait tout à l'heure.

La Ranger lui lança un bref regard par-dessus son épaule, considérant la silhouette dégingandée qui affichait un regard déterminé, avant qu'une oscillation dans le paysage ne reporte son intérêt devant elle. Elle était persuadée d'avoir discerné quelque chose du coin de l'oeil.

— C'est vrai, rien ne peut nous arrêter, continua Carl. Alors on fera tout ce qui est nécessaire. On l'a déjà fait et on recommencera. Ce qui est arrivé à Denise, je laisserais plus personne mourir comme ça.

Tonie pinça les lèvres en entendant le prénom de la médecin, des flashs de sa journée de la veille remontant en désordre derrière ses rétines, avant qu'un frisson qui n'avait rien à voir avec les températures négatives ne remonte le long de sa colonne vertébrale.

Son sixième sens de Ranger s'alluma comme une ampoule, et elle plissa légèrement les yeux en scrutant les espaces entre les arbres, ses doigts se resserrant instinctivement autour de son arc.

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant