Sua Sponte

CHAPITRE 144

« Beaucoup de sang va couler »

Tonie se réveilla en sursaut sous le bruit des balles, sa main droite glissant sous son oreiller pour empoigner son Beretta. Le léger cliquetis de la sécurité résonna dans la chambre silencieuse quand elle brandit son arme devant elle, le regard encore voilé par les fragments de rêves accrochés à ses rétines.

La jeune femme papillonna plusieurs fois des cils à mesure qu'elle reprenait pied dans la réalité, sa respiration précipitée emplissant ses tympans, avant qu'elle ne laisse son bras retomber lourdement sur les draps froissés en réalisant qu'elle avait seulement fait un cauchemar. Tout allait bien. Elle était chez elle, à Alexandria. Personne n'était en train de faire de mal à Daryl ou à un autre membre de sa famille.

Dix jours avaient passé depuis leur mission au poste des Saviors, où ils avaient réussi à abattre tout le monde malgré le renversement de situation, avant de s'emparer de leur généreuse armurerie pour la partager avec La Colline. Dix jours depuis que Carol et Maggie avait été kidnappées par quatre autres Saviors qui les avaient attendu à l'orée de la forêt qui bordait le bâtiment. Dix jours depuis qu'ils avaient réussi à récupérer leurs amies après qu'elles aient décimé ce groupe à elles deux. Dix jours de pesanteur stagnante. Dix jours d'ambiance étrange, de malaise latent en repensant à ce qu'ils avaient fait. Dix jours de vigilance sans relâchement, de changement de garde ponctuel et précis, à guetter le moindre signe de riposte. Dix jours de sommeil agité pour Tonie.

Un petit gémissement plaintif s'échappa d'entre ses lèvres avant qu'elle n'enfouisse son visage contre sa paume de main, sa tête lourde continuant de lui renvoyer en échos épars des images de son rêve. La lumière claire du début de journée s'infiltrait entre les rideaux tirés à sa gauche, déversant des rayons blancs et dorés emplis de particules de poussière dans la pièce. Elle entendit Daryl se servir une tasse de café dans la cuisine avant de sortir à l'extérieur, et des « boum » discrets à chaque fois que son chaton se prenait un angle de mur en poursuivant sa balle rebondissante — cadeau d'Eric. Cadeau empoisonné d'ailleurs, car la boule de poils devenait complètement dingue à chaque fois qu'il croisait la route de son jouet. Et cela, peu importe l'heure du jour ou de la nuit.

Tonie passa une main dans ses cheveux emmêlés qui tombaient devant son visage pour les ramener en arrière, le voile de sueur accroché à sa nuque lui décochant un léger frisson à mesure que la température de son corps revenait à la normale. Elle finit par s'extirper du lit dans un nouveau soupir lourd, récupérant son jean posé au sol pour l'enfiler. Elle chaussa ses bottes en cuir, enroula son holster autour de sa taille, récupéra son Beretta pour le ranger dans son étui, et elle se leva en redressant distraitement la manche de son t-shirt trop grand, avant de sortir de la chambre.

La lumière matinale qui inondait leur petite maison la fit plisser des yeux quand elle pénétra dans la cuisine, évitant de justesse la boule de poils complètement surexcitée qui passait entre ses jambes en poursuivant sa balle. Tonie lui lança un regard blasé en s'approchant de la cafetière encore chaude pour se servir, écoutant d'une oreille la porte du garage qui s'ouvrait. La jeune femme amena sa tasse à ses lèvres pour prendre une longue gorgée du breuvage brun, et elle sortit sur le perron en attrapant son paquet de cigarettes coincé dans la poche arrière de son jean, s'allumant une sèche dans la foulée. Un nouveau « boum » retentit à l'intérieur de la maison, suivit d'un miaulement plaintif et boudeur, et elle descendit les quelques marches avant de tourner à gauche pour rejoindre Daryl, qui venait de sortir sa moto du garage pour l'inspecter.

La simple vue de la bécane fit résonner le bruit tonitruant du moteur dans ses souvenirs...

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Debout devant le grillage qui entourait l'enceinte des Saviors, Tonie gardait son attention distraite et épuisée sur le véhicule qui s'éloignait en emportant Tara et Heath avec lui, qui partaient pour une expédition de deux semaines à la recherche d'autres vivres. Elle cilla plusieurs fois en sentant la main chaude de Daryl se poser sur sa nuque, et elle esquissa un bref sourire en accueillant le geste rassurant. Elle avait les émotions emmêlées, le cerveau baigné dans un brouillard dense qui s'accumulait contre les parois de son crâne à chaque seconde.