Sua Sponte

CHAPITRE 117

— On avait entendu parler de toi, à la base, déclara Abraham de sa voix puissante et rauque, alors qu'il posait un coude sur le bord de la table, son autre main enserrant son verre de vin avec vigueur.

La soirée continuait de s'étirer dans la bulle intemporelle qu'ils avaient créé et qu'ils refusaient de briser. Le murmure régulier des conversations bourdonnait aux tympans du petit groupe de survivants en pleine digestion, les chaises voyaient leur propriétaire s'échanger les places, chacun voulant profiter au maximum de cette opportunité pour discuter, converser, échanger, dire ce qu'ils n'avaient pas le temps de dire, badiner, rire, plaisanter.

Tonie pouffa doucement en amenant son verre à ses lèvres, amusée par la déclaration de l'ancien soldat qui avait prit la place de Glenn, ce dernier discutant plus loin avec Tara. C'était agréable de pouvoir enfin discuter avec Abraham, de découvrir son parcours et d'échanger leurs expériences. Et c'était facile, tellement libérateur, parce qu'ils savaient tous les deux de quoi ils parlaient, ils avaient vécu les mêmes choses là-bas. Et plus la discussion se continuait, plus elle retrouvait instinctivement ce ton de voix qu'elle avait quand elle était soldat.

— Vraiment ? elle demanda enfin en arquant un sourcil.

— Ouais ! Scanda Abraham dans un grand rire tonitruant. La blondinette qui avait peur de rien et qui était sur les traces d'Al-Qaïda. La seule Ranger sur le terrain ! Une vraie légende, il ajouta en lui envoyant un clin d'oeil taquin. Le jour où vous êtes passés à la base, tous les mecs étaient au garde à vous, prêts à porter leurs couilles sous leur bras rien que pour t'apercevoir, il ajouta, l'entraînant dans un nouveau fou rire.

— C'est, euh... flatteur ? elle reprit en plissant le front dans un mélange de confusion et d'amusement.

— Laisse tomber, y'en a pas un qui aurait pu arriver à la cheville de ton archer, il rétorqua d'un ton bourru en désignant Daryl d'un signe de tête, alors que Redneck discutait avec Maggie et Rick.

— C'est vrai, elle murmura en admirant le profil de son amant, avant de ramener son intérêt sur Abraham qui reprenait une gorgée de vin. Tu étais sur quelle base ?

— Abu Ghraib. On est restés plusieurs mois en poste là-bas, avant d'être déportés sur Grizzly.

— Ah, oui, Grizzly, elle répéta en opinant du chef. On a passé une nuit là-bas, avant de partir pour Peshawar avec la SEAL.

— C'était comment de bosser avec eux ?

— Super tendu, elle gloussa en roulant des yeux au ciel. Un de mes seuls regrets, ça a été de pas pouvoir terminer la mission avec eux.

— J'ai entendu ce qui s'est passé ce jour-là, à Bagdad, il lui confia en fixant le fond de son verre qu'il gardait dans sa main. Ce Monroe... J'avais fait une mission avec lui, peut-être trois mois avant que ça arrive. Je le trouvais con comme un manche, à péter plus haut que son cul.

— Monroe était un bon soldat, elle rétorqua calmement, perdue dans ses souvenirs. Mais il s'est laissé gangréner par cette guerre.

— Comme nous tous, non ?

Tonie releva la tête vers Abraham, détaillant un instant le visage bourru et les pupilles farouche, la moustache flamboyante et les plaques militaires à son cou. Elle hocha doucement la tête sans rien dire, et elle glissa une main sous son t-shirt, récupérant ses propres plaques qu'elle ne quittait jamais pour les lui montrer. Marshall, Tonie L., 1310890902, O NEG.

— C'est vrai, elle déclara enfin.

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Tonie avait l'impression d'avoir une serpillère trempée à la place des cheveux. Ses mèches étaient collées à ses joues par la chaleur et la transpiration, sa nuque irradiait sous le soleil brûlant et la nervosité. Le faux silence de la forêt dans laquelle ils évoluaient, qui avait remplacé le boucan du Klaxon depuis environ dix minutes, était assourdissant, l'obligeant à être encore plus sur ses gardes. Ouvrant la voie avec Michonne, elle marchait prudemment sans faire de bruit en ayant l'impression d'être de retour quelques années en arrière, quand elle était Ranger au sein de l'armée américaine et qu'elle devait mener des exfiltrations en territoire ennemi.