Sua Sponte

CHAPITRE 147

La pluie fine et collante continuait de tomber sur le paysage, soulevant une vague de brume éparse au milieu des rues tranquilles d'Alexandria. Les nuages gris qui encombraient le ciel déversaient une lumière terne sur les environs.

Daryl avait perdu la notion du temps. Tout lui semblait interrompu, mis sur pause, abandonné. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était de garder la main de Tonie entre les siennes et surveiller les battements de son coeur au creux de son poignet. Ses doigts et sa chemise étaient toujours couverts du sang de la Ranger.

« —C'est ce que tu es. Tu préfères sauver les gens.

— C'est faux.

— Non, c'est ce que tu es. »

Installé sur une chaise à côté du lit médical dans lequel dormait la jeune femme, le Redneck pinça les lèvres pour ravaler un énième sanglot, détournant la tête du pansement propre posé sur la blessure à l'abdomen de Tonie, révélé par son t-shirt légèrement relevé. Sa jambe droite tressautait nerveusement par à-coups. Abraham — qui s'était occupé de soigner la militaire — se tenait en silence dans son dos à l'autre bout de la pièce, debout devant une fenêtre et le regard perdu dans le vide. Le clapotis discret de la pluie contre les vitres résonnait d'un écho sinistre et interminable.

« —J'aurais dû te tuer.

— Ouais, t'aurais probablement dû. »

Daryl lâcha un nouveau soupir derrière ses lèvres pincées en revenant poser son regard sur le visage de Tonie. Il détailla les traits endormis encore pâles et les quelques fines gouttes de sang dispersées dans ses cheveux blonds, avant que la porte de l'infirmerie ne s'ouvre dans son dos. Le garçon releva la tête, fixant Eugene qui s'arrêtait un instant dans l'encadrement pour leur faire un petit signe de tête à lui et Abraham. Le scientifique fit ensuite un pas de côté, laissant passer Glenn et Rick qui déboulèrent dans la pièce en lançant un regard circulaire et inquiet autour d'eux, avant que leur attention ne tombe sur Tonie. Les deux hommes s'approchèrent aussitôt, leur visage affichant tout à la fois l'inquiétude, le désarroi, la nervosité, et une fébrilité sous-jacente.

— Comment elle va ? demanda le shérif en se postant à côté de Daryl, alors que Glenn faisait le tour du lit pour venir poser une main amicale sur l'épaule de la Ranger.

— La balle l'a juste frôlée, répondit doucement Abraham en se détournant de la fenêtre pour s'avancer à son tour. Mais c'est une bonne chose qu'on soit revenus à temps. Les antibiotiques qu'ils ont récupéré pourront la sauver d'une infection. Elle survivra.

— Grâce à Denise, murmura Daryl, son attention à nouveau rivée sur Tonie.

Glenn, Rick et Abraham échangèrent des regards graves, déboussolés par l'accablement fragile qui régnait dans la gorge de l'archer. Posté respectueusement deux pas en arrière, Eugene observait tour à tour les deux amants de ses traits lunaires, le front plissé par l'inquiétude.

Ils avaient dû laisser le corps de Denise derrière eux en quittant le chemin de fer, tous trop préoccupés de ramener Tonie à temps à Alexandria pour la sauver. Une équipe avait été envoyée après leur retour pour aller chercher leurs affaires laissées sur place et la médecin. Un enterrement décent était prévu un peu plus tard dans la journée.

Tonie lâcha un gémissement en gigotant brièvement sous les draps, reportant vivement l'attention des cinq hommes sur elle. Daryl se pencha vers elle pour poser une main sur son front, surveillant attentivement les paupières qui se soulevaient lentement pour laisser apparaître l'éclat doré dans son iris gauche. Son coeur pulsait fort dans sa poitrine.