CHAPITRE 173

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La nuit était tombée, froide et sans lune.

Daryl s'occupait les mains à aiguiser son couteau de chasse, installé sur une table de camping posée à quelques mètres du bungalow que Maggie et Sasha partageaient. L'animation tranquille du milieu de soirée bourdonnait agréablement autour de lui, les bruits familiers de La Colline l'enveloppant d'une quiétude toute relative.

Il était arrivé du Royaume quelques heures plus tôt, après avoir marché une bonne partie de la nuit et la moitié de la journée, et avait récupéré quelques heures de sommeil avant de se lever à la tombée de la nuit pour se dégourdir les jambes et l'esprit. Malheureusement, si ses jambes avaient apprécié la balade, sa tête, elle, n'arrivait pas à se défaire des pensées encombrées qui l'attaquaient en boucle depuis cette nuit dans la clairière.

Il y revenait constamment—comme un cauchemar saisissant qui refusait de s'arrêter, même une fois qu'on avait ouvert les yeux. Tonie, immobilisées par les hommes de Negan. Tonie, empoignée par Negan et emmenée dans ce camping-car. Tonie et ce regard qu'elle lui avait envoyé. Tonie, emmenée dans cette camionnette... Sa voix. Son regard...

Daryl plissa les yeux en réprimant une grimace, interrompant un instant ses gestes pour amener son pouce et son index à ses paupières. Il les massa un moment, obligeant la vague d'angoisse qui gonflait dans sa poitrine à reculer.

— Daryl.

Le Redneck releva la tête en entendant la voix familière, le cerveau encore agressé d'une migraine latente alors que Jesus s'approchait de lui de sa démarche tranquille. Son long manteau en cuir tournoyait mollement autour de ses jambes à chaque pas.

— Maggie m'a dit que tu avais des nouvelles du Royaume, reprit Jesus en s'arrêtant face au Redneck.

Daryl hocha brièvement la tête en mordillant sa lèvre inférieure, son regard tombant un instant sur ses mains accaparées par son couteau et sa pierre à aiguiser.

— Ezekiel ne veut pas admettre la vérité, il déclara de sa voix rauque, mais ils n'ont pas le choix. Et nous non plus. On a besoin d'eux.

Jesus hocha mollement la tête, lançant un regard autour de lui alors que des membres de la communauté passaient à quelques mètres pour se diriger vers la maison principale.

— Qu'est-ce que t'as, toi ? demanda Daryl après un temps, en se remettant à aiguiser son couteau.

Jesus reporta son attention sur le Redneck notant le bref sursaut d'inquiétude dans la fin de ses mots. Daryl avait parlé d'un ton nonchalant—détaché. Mais Jesus n'était pas dupe, évidemment. Il le voyait dans la façon dont Daryl évitait son regard. Dans la façon dont il soignait le mouvement de ses mains au millimètre.

Le bandana noir tout abîmé était fermement enroulé autour de son poignet gauche.

— Elle a pu me fournir une estimation assez précise des avant-postes à neutraliser avant d'atteindre le Sanctuaire. Elle essaie encore de se procurer les plans de construction.

Daryl hocha la tête pour approuver, ses dents revenant mâchonner sa lèvre inférieure avec un peu trop de sollicitude—cachant l'amoncellement de questions qui se pressaient derrière ses dents.

— Comment... il réussit à reprendre après un long silence, sans s'arrêter dans ses gestes. Comment elle va ?

Jesus l'observa un instant, entendant sa peur sans avoir besoin que le Redneck ne l'exprime. Il hésita à lui répondre—à lui dire ce qu'il avait vu lors de sa dernière visite au Sanctuaire.

Il ne voulait pas que Daryl s'inquiète inutilement—ou au moins plus qu'il ne s'inquiétait déjà. Qu'il se disperse à trop penser à sa femme alors qu'ils étaient tous en pleine préparation pour une guerre. Tout le monde devait rester concentré sur ce qu'il avait à faire, et témoigner de la fragilité que Jesus avait vu chez la Ranger reviendrait à semer le doute parmi eux.

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant