Sua Sponte

CHAPITRE 75

Ses jambes repliées contre lui et ses bras croisés sur ses genoux, Daryl fixait d'un oeil éteint les flammes crépitantes du feu de camp devant lui, la symphonie des insectes nocturnes qui pulsaient contre ses tympans enrayant à peine l'ouragan de pensées sombres qui déferlaient sous sa boite crânienne, tandis que Beth restait silencieuse face à lui.

Après avoir fuit la prison, le Redneck et la cadette Greene avaient dû s'échapper à travers les bois sans avoir le temps de souffler un instant, courant pendant près d'une heure pour essayer de distancer les rôdeurs qui avaient afflué de toutes parts, attirés par le bruit des explosions et des échanges de tirs, avant de finir par s'effondrer en plein milieu d'un champ à des kilomètres de leur ancienne maison, pantelants et épuisés.

Il n'avait pas eu le temps de suivre les traces de Tonie. Il n'avait pas eu le temps de la retrouver. Il n'avait pas eu le temps de la protéger. Il ne savait même pas si elle s'en était sortie. Ou si quiconque de leur famille s'en était sorti en fait. Il se sentait coupable. Eteint. Anesthésié par l'après midi brutal qui s'était déroulé sous un soleil radieux et insensible à leurs vies. Il n'avait même plus la force de vouloir continuer. D'essayer.

- On devrait faire quelque chose. Lança la voix douce de Beth, le sortant à peine de ses pensées.

La jeune femme releva son visage angélique vers l'archer, fixant un instant les traits sombres du garçon qui ne réagissait même pas.

- On devrait faire quelque chose. Elle répéta avec plus d'aplomb, avant qu'il ne relève ses iris tourmentés vers elle. On peut pas être les seuls survivants. C'est pas possible. Elle continua en secouant brièvement la tête. Tonie, Rick, Michonne.. Ils pourraient être pas loin. Maggie et Glenn ont pu réussir à sortir du Bloc A. C'est possible. Elle insista en voyant que Daryl ne réagissait pas.

Mais le garçon resta silencieux, gardant ses prunelles sombres rivées sur le feu de camp qui crépitait doucement devant lui. Il savait qu'elle avait raison. Mais il se sentait incapable d'espérer quoi que ce soit d'autre après ce qu'ils venaient de vivre.

- T'es un pisteur. Reprit Beth après un silence en se relevant. Tu peux les traquer. Allez ! Elle insista en se postant face à lui. Le soleil va bientôt se lever. Si on part maintenant, on pourra..

Mais elle ravala la fin de sa phrase en voyant que le Redneck restait enfermé dans un mutisme accablé.

- Très bien. Elle cracha, en s'avançant jusqu'à sa machette enfoncée dans la terre près du feu. Si tu veux pas les chercher, je vais le faire. Elle ajouta en récupérant son arme d'un geste sec.

Elle s'éloigna d'un pas décidé à travers les arbres, le bruit de ses talons claquant contre la terre sèche résonnant faiblement jusqu'aux tympans du garçon qui continuait de fixer les flammes orangées qui dansaient devant ses yeux.

Daryl resta un instant immobile, le visage de Tonie et les dernières paroles qu'ils avaient échangé se répétant dans son esprit, et il releva ses pupilles éteintes vers Beth qui disparaissait dans l'obscurité, avant de se forcer à se lever pour la suivre. Il balança un peu de terre sur le feu du bout du pied pour l'éteindre, et il récupéra son arbalète d'un geste peu convaincu avant de se mettre en route.

-

Tonie balança un regard par dessus son épaule sans s'arrêter de courir, vrillant ses iris argentés sur les silhouettes grognantes qui la suivaient à quelques mètres. Son couteau de chasse ancré dans sa main droite, la jeune femme slaloma entre les arbres majestueux qui la surplombaient, la canopée verdoyante occultant partiellement la couverture étoilée du ciel nocturne chargé d'électricité, avant qu'elle ne s'arrête un instant en collant son dos en sueur contre l'écorce rugueuse d'un hêtre.