CHAPITRE 136

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Installée sur le siège passager de la Chrysler, un pied posé contre la boîte à gant, Tonie cilla paresseusement des yeux en appuyant son coude contre le rebord de sa vitre, laissant sa main soutenir sa tête lourde. Le soleil haut dans le ciel glissa sur son visage, réchauffant ses traits dans une caresse. La brise légère qui entrait par les vitres entrouvertes soulevait quelques mèches de ses cheveux dorés.

Bercée par le ronronnement du moteur, la jeune femme inspira longuement en battant des cils, obligeant sa fatigue à s'effacer. Entre le peu de sommeil qu'ils avaient eu la nuit dernière, l'amoncellement d'émotions qui avait reflué entre eux, et l'union répétée de leurs corps qui avait achevé de la lessiver, elle avait l'impression que son corps entier était fait de coton, et que son esprit baignait dans un bocal de formol. Elle sentait ses jambes encore flageolantes et le bas de son dos vibrer lentement, comme un écho aux coups de reins de Daryl, et elle pinça les lèvres pour réfréner la chaleur qui s'emparait de ses joues quand son cerveau lui renvoya quelques flashs inondés de soupirs extatiques. Les gémissements qu'il avait fait naître en elle la feraient probablement rougir jusqu'à la fin de sa vie.

Elle en était presque à se demander si elle n'avait pas rêvé tout ça. Si ce n'était pas son esprit malade et détraqué qui avait inventé toutes ces heures perdues au milieu de la nuit, tant tout avait été tellement intense et puissant. Comme si le monde s'était déchiré en deux au moment où ils avaient pénétré dans ce coin de nature coupé du monde, pour les accueillir dans une poche reculée de l'espace-temps.

La seule chose qui l'empêchait de douter, c'était l'odeur de Daryl accrochée à sa peau. L'essence de son corps et de ses soupirs, de ses baisers, de sa voix et de ses larmes, qui avait imprégné chaque parcelle de son épiderme, malgré la baignade sommaire qu'ils avaient prise dans le lac avant de repartir.

Tonie esquissa un sourire en coin teinté de douceur, avant de tourner la tête vers l'archer, perdant son regard sur le profil masculin. Une main sur le volant, son coude appuyé contre le rebord de sa vitre, Daryl avait le regard perdu sur la ligne d'asphalte qui s'étirait devant eux à l'infini. Elle discernait quelques maillons de la chaîne de son collier militaire entre le col de sa chemise et son cou, et certaines mèches de ses cheveux étaient toujours emmêlées de leurs ébats. La jeune femme tendit une main pour replacer un épi derrière son oreille.

Daryl lui lança un regard en coin en sentant les doigts féminins qui s'attardait sur sa joue, une étincelle brûlante s'allumant dans son regard. Il ramena sa main gauche sur le volant, libérant sa main droite pour qu'elle vienne enlacer celle de Tonie. Le Redneck déposa un baiser sur ses phalanges, décrochant un sourire amusé sur les lèvres charnues de la jeune femme, avant que son intérêt ne soit happé par un relief brun sur leur droite, à environ trois cent mètres, au moment où ils passaient à toute allure à une intersection.

Daryl appuya sur la pédale de frein pour immobiliser le véhicule, s'attirant un regard interrogateur de la part de Tonie, avant d'enclencher la marche arrière pour reculer jusqu'à l'intersection.

— Regarde, il marmonna, en levant un index.

Tonie tourna la tête, englobant d'un regard les deux petits hangars agricoles disposés en « L » accolés à la route et le silo à grain qui s'élevait sur un côté. Le mot « sorghum » était peint en grandes lettres blanches sur le toit qui leur faisait face. Des champs de culture laissés à l'abandon avec la fin du monde entouraient la zone, et il ne semblait y avoir personne à des kilomètres à la ronde. La Ranger fit une moue approbative à l'attention de Daryl, avant que le garçon ne tourne le volant pour s'engager le long du chemin.

Une minutes plus tard, Tonie sortait de la Chrysler en claquant sa portière, relevant la tête vers le bâtiment de stockage devant lequel Daryl venait de se garer. Elle remarqua qu'il n'y avait aucune traînée de sang nulle part, aucun corps putréfié qui gisait dans un coin, ni aucun détail qui pouvait indiquer que l'endroit était régulièrement visité. Seulement une grande couche de poussière sur les bâtiments et les objets disséminés de ci de là.

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant