CHAPITRE 41

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Deux jours avaient passé depuis que Tonie avait enterré le corps de sa petite fille dans le jardin des frères Dixon. Rosie reposerait à présent pour l'éternité au milieu de la nature apaisante, sous un grand sycomore, entourée de fleurs colorées et parfumées. Et chaque jour en fin d'après midi, aussi longtemps que le monde existerait, un rayon de soleil viendrait caresser l'emplacement de son linceul de terre.

Paradoxalement, autour d'eux la situation semblait dégénérer de plus en plus vite, entrainant la population mondiale dans un chaos innommable. Daryl et Merle passaient leur temps à faire des allez et retours jusqu'aux villes alentours, dévalisant en même temps que les habitants les rayons des supermarchés, quincailleries et stations essences pour récupérer tout ce qui pourrait être utile, tandis que Tonie tentait de joindre ses anciens subalternes pour avoir un maximum d'informations. Sans succès.

Au matin du troisième jour, la jeune femme ouvrit les paupières sur ses iris argentés en mettant fin à une nouvelle nuit blanche interminable, fixant son regard absent sur les premières lueurs de l'aube qui filtraient depuis la fenêtre, déversant ses rayons chatoyants sur le visage en deuil de la militaire à travers les rideaux tirés.

La jeune femme fini par se redresser sous les draps en lançant un regard vide à la chambre de Daryl - que le garçon avait mit à sa disposition - avant de se décider à se lever. Elle enfila rapidement ses chaussures et son jean, et descendit les escaliers grinçants avant de sortir sur le porche de la petite maison délabrée. Elle tendit la main vers son paquet de cigarettes coincé dans la poche arrière de son pantalon, et s'alluma une Marlbo en fixant d'un oeil hagard la rue déserte et les quelque maisons dorénavant vides de leurs occupants. Beaucoup avaient déjà quitté leur foyer, préférant se diriger au plus vite vers les camps de réfugiés cités dans le message de l'armée qui passait sur les ondes radios.

Tonie expira un long nuage de nicotine, et elle descendit les escaliers pour rejoindre sa maison qu'elle n'avait pas visité depuis trois jours. Elle déverrouilla la serrure et ouvrit la porte, déglutissant difficilement quand le parc de Rosie et ses jouets étalés un peu partout dans le salon lui sautèrent à la gorge dans une morsure violente et hargneuse. La militaire serra les dents pour retenir une nouvelle salve de larmes brûlantes, et elle se dirigea vers sa chambre avant d'ouvrir les portes de son dressing. Elle se baissa vers son petit coffre fort posé à même le sol de la penderie, composa le code, et actionna la poignée en métal.

Elle coinça sa cigarette entre ses lèvres et sortit son Beretta de son coffret, le poids de l'arme dans sa paume de main réveillant d'anciens mécanismes dans son corps de Ranger. Elle récupéra le chargeur et une boite de munitions, avant de s'asseoir en tailleur à même le sol. D'un geste précis et rapide, elle chargea les balles une à une, et enclencha le tout dans le revolver. L'arme émit un léger cliquetis, signifiant qu'il était prêt à servir, et Tonie le reposa au sol, son regard éteint glissant jusqu'à ses plaques militaires déposées à l'intérieur de son coffre fort.

Dans un geste lent, elle retira le mégot fumant de ses lèvres pour le tenir entre son index et son majeur, tandis que sa main droite récupérait le collier. Elle tira une latte sur sa cigarette en observant longuement le bijou, glissant son pouce sur les numéros gravés sur le métal, perdue dans ses pensées.

Après plusieurs minutes à rester immobile, elle se décida enfin à se redresser, et elle déposa son flingue et son collier sur son lit défait avant de se diriger vers la salle de bain. Elle laissa tomber sa Marlbo consommée dans le lavabo, retira ses vêtements, et entra dans la cabine de douche avant d'actionner le mitigeur. L'eau brûlante glissa sur sa peau fatiguée, à vif, et elle se laissa glisser le long du mur carrelé en lâchant les sanglots qui étaient emprisonnés dans sa gorge, laissant libre court à ses larmes de partir comme elles le voulaient, une dernière fois.

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant