CHAPITRE 142

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— On va d'abord jeter un oeil, déclara Tonie. Essayer d'estimer le nombre d'hommes qu'il peut y avoir à l'intérieur.

Debout devant le camping-car garé au milieu d'une route déserte, la jeune femme lança un regard à la ronde à ses compagnons de voyage réunis en demi-cercle autour d'elle et Rick, scrutant la nervosité dans les traits de leurs visages, qu'elle sentait augmenter de façon latente depuis la veille au soir.


Elle-même n'avait quasiment pas fermé l'oeil de la nuit, trop accaparée à se repasser le plan en tête en même temps que son cerveau s'était décidé à lui rappeler une mission similaire, effectuée quelques années plus tôt. Elle avait fini par abdiquer face à son insomnie pour aller trouver un peu de calme sur la première marche de son perron aux premières lueurs de l'aube, avant d'être rapidement rejointe par Daryl, qui lui avait tenu compagnie en attendant que le soleil ne se lève.

— Si ce qu'on voit nous plaît, elle reprit calmement, on fonce. Deux ou trois heures avant l'aube. Les gardes à l'extérieur seront fatigués. Ceux à l'intérieur seront en train de dormir. Si on aime pas ce qu'on voit, on fait demi-tour et on établit un nouveau plan.

— Ils ne savent pas qui ont est, enchaîna Rick, un fusil semi-automatique en travers du torse et une main sur la crosse. Et on gardera Jesus dans l'ombre. C'est comme ça qu'on mange, il ajouta avec plus de gravité. C'est comme ça qu'on mange...

Pendant que le Shérif se détournait sans rien ajouter, les épaules basses, Tonie envoya un regard à Daryl, installé sur le capot d'une des voitures qui faisait convoi avec le camping-car. Elle détailla un moment les prunelles tourmentées posées sur elle, l'esprit bloqué entre son présent et son passé. Le redneck affichait une mine sombre depuis leur retour de la colline, ses traits tirés recopiant ceux de la militaire.

— On se met en route à minuit, elle finit par déclarer à l'attention de tout le monde, avant de tourner les talons.


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La nuit était claire, offrant une visibilité parfaite. Le ronronnement des pales des deux hélicoptères furtifs qui glissaient au milieu des hautes montagnes était le seul bruit qui parvenait à Tonie. Installée entre Dean et un soldat de son unité, la jeune femme gardait son regard rivé sur le HK416 qu'on lui avait assigné, à peine perturbée par la carcasse qui s'ébranlait par instant sous la puissance du vol.

Ils avaient eu le feu vert dans l'après-midi, alors qu'ils profitaient d'un temps libre sous le soleil brûlant du désert. La légèreté qui avait régné à ce moment-là s'était diluée au fil de la journée, à mesure que les heures les rapprochaient de leur mission. À présent, c'était plutôt un faux silence angoissant et concentré qui parcourait les corps des soldats. Les visages étaient tendus, crispés, fermés.

Tonie sentait son propre coeur lutter entre le stress et la détermination. C'était comme ça, à chaque fois. À chaque mission effectuée, elle se retrouvait dans cette espèce de dissociation de l'esprit et du corps. Ce moment où elle ne pouvait pas être plus alerte de chacun de ses moindres gestes et en même temps totalement détachée de la réalité, seulement régie par ses réflexes. C'était un entre-deux étrange, une temporisation d'adrénaline dans le corps avant l'action. Un sas de décompression pour se vider la tête. Rien d'autre ne comptait que la sensation de ses bottines parfaitement serrées autour de ses chevilles, du frottement du col de sa veste contre sa nuque, de la légère pression de son casque micro contre ses oreilles, de la lourdeur des grenades, talkie et autres empilés dans ses poches, de son arme parfaitement huilée entre ses mains.

— Trente secondes avant changement de cap, lança la voix du pilote dans son casque.

Tonie releva la tête vers les soldats autour d'elle, arrêtant son intérêt sur Dean, à sa droite, qui l'observait d'un regard en coin attentif. Elle répondit à sa question silencieuse d'un hochement de tête, avant qu'il ne lui prenne la main pour enlacer ses doigts aux siens.

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