Tonie marchait toujours à couvert des arbres, suivant les pas de Michonne, Rick fermant la marche dans son dos alors que ses iris argentés lançaient des coups d'oeil réguliers vers la route à sa gauche, surveillant la procession des Morts. Au loin, elle entendait les légers coups d'accélération de la moto de Daryl, qui se noyaient sous le flot des borborygmes et des grognements qui émanaient de la horde putride. Elle était encore un peu sonnée par son geste. Elle savait qu'elle n'avait pas eu le choix, vu que Carter était condamné, mais la rapidité de décision dont elle avait fait preuve l'avait un peu effrayée.
Est-ce que Daryl avait raison ? Est-ce qu'elle n'était plus la même quand elle prenait trop de choses en charge ? Elle se rappela de ce que Carol leur avait dit, à elle et Rick, quelques jours plus tôt, alors qu'ils construisaient le mur à l'intersection. « C'est vous qui êtes en charge, maintenant ». Elle se rappela de ce qu'elle avait raconté à Daryl sur son supérieur en Irak. Elle ne doutait pas de ses compétences, c'était pas ça. Ses nombreuses missions sur le terrain avaient clairement servi à mettre en place leur plan pour dévier la horde. Mais elle se demandait si elle n'était pas en train de devenir comme son supérieur. Erratique. Fébrile. Prête à sacrifier ses hommes pour le bien commun. Non, elle pensa aussitôt. Non, elle n'irait pas mettre sa famille inutilement en danger. Même les habitants d'Alexandria. Elle savait évaluer les risques, elle savait quand c'était possible et quand ça ne l'était pas. Carter ou Nicholas étaient des cas isolés. Alors pourquoi est-ce qu'elle ne pouvait s'empêcher de ressentir ce goût amer accroché à son palais ?
Parce que quand elle avait pris la décision de tuer Carter, elle avait senti qu'elle avait presque attendu ce moment depuis des jours. Elle l'avait fait avec une impatience contenue, refoulée, trop pressée de pouvoir retirer l'élément perturbateur de l'équation. Pas de place au hasard.
Elle avait bien sentit les regards de Michonne et de Morgan sur elle, un peu plus tôt. Elle savait aussi que Michonne regardait Rick de la même façon, depuis le moment où le Shérif avait pété les plombs en pleine rue d'Alexandria à cause de Pete. La samouraï connaissait assez ses deux amis pour déchiffrer leur comportement et savoir quand s'inquiéter. Tonie et Rick avaient tellement à coeur de faire d'Alexandria un lieu sûr pour leur famille — après tout ce qu'ils avaient vécu — qu'ils en venaient parfois à oublier toute déontologie. Et l'inaptitude des habitants de la communauté face au Nouveau Monde n'aidait en rien à les rassurer. Ils s'écrasaient eux-mêmes sous le poids des responsabilités, prenaient personnellement à coeur la vie de chaque personne qui les entourait. Ils ne pouvaient pas, ne voulaient pas laisser la place au hasard, aux comportements douteux ou ambigus.
Quant à Morgan, après que Rick eut raconté à Tonie comment il l'avait connu, à son réveil de l'hôpital, et le jour où ils s'étaient retrouvés ( alors qu'il était en expédition avec Michonne et Carl, au moment où ils logeaient à la prison ) et comment le comportement du champion d'aïkido avait drastiquement changé entre ces trois rencontres, la militaire savait qu'il considérait les deux leaders avec suspicion et prudence. S'il avait changé de mantra pour adopter celui de Maître Zen de l'apocalypse, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il les regarde de cette façon.
Et Daryl ? Daryl était inquiet pour elle. Il la connaissait plus que n'importe qui. Il savait jusqu'où elle serait capable de plonger dans le chaos, quitte à s'oublier elle-même. Elle ne voulait pas s'oublier elle-même. Ne serait-ce que pour son archer. Parce qu'il était ce qu'elle avait de plus précieux au monde. Parce qu'elle avait bien vu sa transformation à elle, en passant seulement une semaine loin de lui.
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— Ici, c'est la ligne d'arrivée, déclara Tonie d'une voix forte, alors qu'ils étaient tous regroupés sur le bord d'une route, où ils avaient accroché trois ballons verts à un bâton planté dans le sol. Quand on arrive au point vert, on se retire tous. Les talus les canaliseront sur la route. On retourne à la maison, on laisse Daryl, Sasha et Abraham les emmener sur le reste du chemin, trente kilomètres plus loin.

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Sua Sponte
Fiksi Penggemar"Son coeur battant à cent à l'heure, Tonie continuait de fixer Glenn et le Shérif qui avançaient lentement, observant avec inquiétude les corps décharnés qui se retournaient de plus en plus à leur passage à mesure que la pluie les nettoyait de l'ode...