CHAPITRE 131

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Les derniers rayons du soleil crépitaient à l'horizon, étendant leurs faisceaux filiformes à travers les branches verdoyantes des arbres. Les ombres allongées glissaient leurs bras fantomatiques contre les façades des maisons silencieuses, recopiaient sur l'asphalte encore chaude des rues les silhouettes titubantes pleines de râles affamés.

Ouvrant la voie, sa main droite fermement accrochée à la dague à sa hanche et sa main gauche agrippée à celle de Rick dans son dos, Tonie surveillait les mouvements titubants qui les encerclaient de toutes parts dans un balancement rythmé des rétines, les tympans assourdis par les râles par centaine qui émanaient dans tous les sens. Son champ visuel n'était qu'un flou continu de corps putrides, une suite de visages grisâtres et de mâchoires grandes ouvertes qui faisaient douloureusement cogner son coeur contre ses côtes.

Elle était plongée dans un état second. À la fois fermement consciente du moment présent et en même temps totalement dissociée de son corps. Les grognements qui voltigeaient au gré de la brise tiède étaient à la fois assourdissants et teintés d'échos lointains. Elle voyait tous ces visages ravagés par la mort passer devant ses rétines dans un flot ininterrompu, tous ces regards vides de toute vie qui cherchaient au hasard des mouvements un coeur en pleine santé, toutes ces silhouettes vêtues de leur dernière tenue arpenter chaque centimètre carré de la communauté, toutes ces plaies béantes et suintantes griffer son regard d'un coup de poing cynique.

L'Enfer physique, souligné par le soleil descendant, ressemblait à un cauchemar dont elle n'aurait même pas pu rêver dans les moments les plus sombres de son existence.

Elle sentait, dans sa main gauche, la pression des doigts de Rick fermement ancrés dans sa peau et la légère tension dans son bras qui la reliait au reste de son groupe. Sur ses épaules, son chaton continuaient de se tenir fermement à elle, enroulé contre sa nuque en sueur et son museau enfoui près de sa mâchoire, sa petite queue douce repliée autour de son cou. Le palpitant de l'animal frappait rapidement, presque jusqu'à l'étourdissement. Elle se sentait légèrement bousculée quand un rôdeur passait trop près d'elle sans la voir, le contact désagréable des membres froids contre son corps soulevant une chair de poule le long de ses bras nus. Elle avait l'impression de ne pas progresser d'un pouce, tant leur marche à travers la horde était lente pour ne pas se faire repérer.

Si elle avait pensé que des fusées de détresse seraient suffisantes pour les distraire et les attirer ailleurs, elle se trompait lourdement. Il y en avait trop. Beaucoup trop. Ils se faufilaient partout. Le long des rues, entre les arbres du petit parc, longeant l'étang et les façades des maisons silencieuses. C'était un océan de morts, une mer faussement calme qui pouvait s'agiter à la moindre brise.

La Ranger lança un regard furtif par-dessus son épaule, scannant brièvement les visages de son groupe, avant de relever ses prunelles argentées sur Rick, qui semblait traversé de la même pensée qu'elle. D'un léger mouvement du menton, les deux leaders calibrèrent leur décision, avant que Tonie ne dévie doucement de la rue, rejoignant un coin libre près de l'étang. Elle contourna un bosquet qui les cachait partiellement de la horde, attendant patiemment que les autres se regroupent autour d'elle pendant que Michonne et Carl se postaient dos à eux pour faire le guet.

— Okay, nouveau plan, elle annonça dans un murmure enroué. Quelques fusées de détresse seront pas suffisantes. Il y a trop de rôdeurs, et ils sont trop dispersés.

— On ne va pas aller à l'armurerie, enchaîna Rick sur le même ton que son amie. On a besoin de nos véhicules restés à la carrière. Chacun de nous au volant. Il faudra qu'on les canalise. On y va et on revient.

— Okay, répondit Jessie après une seconde de silence, en hochant nerveusement la tête, son regard décidé et inquiet se tournant vers le Shérif. Mais, Judith... elle reprit dans un soupir. L'emmener à la carrière et faire le trajet du retour...

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant