Sua Sponte

CHAPITRE 81

Son sac à dos ouvert à la main, Tonie descendit l'allée centrale de la petite épicerie de quartier où elle s'était réfugiée la veille au soir pour dormir quelques heures, tout en laissant ses prunelles grises se balader nonchalamment le long des rayons quasiment vides. Elle tendit un bras pour attraper une dernière boîte de conserve qu'elle fourra dans son sac, et elle tira sur la fermeture éclair avant de se retourner vers le chaton qui jouait avec un bout de ficelle qui traînait sur le sol. La jeune femme esquissa un sourire attendrit, et elle revint vers lui en remontant légèrement les fines lanières en cuir marron de son holster d'épaule qu'elle avait subtilisé à un type du groupe qui avait brièvement croisé son chemin l'avant-veille.

- Allez, petit tigre. Il est temps d'y aller. Elle lança de sa voix douce à l'attention du félin, qui venait de faire un roulé boulé sur lui-même en plantant ses petites dents dans le morceau de ficelle.

L'animal obtempéra presque aussitôt, lâchant son jouet de fortune en revenant vers la militaire qui posait son sac à dos sur le comptoir de l'accueil avant de récupérer son couteau accroché à sa ceinture. Il sauta sur une chaise proche avant de grimper sur le bureau recouvert d'une fine couche de poussière pour venir s'asseoir face à elle, et il l'observa attentivement alors qu'elle s'agenouillait à côté du cadavre d'un rôdeur qui gisait dans un coin, qu'elle avait abattu un peu plus tôt dans la rue et qu'elle avait ramené à l'intérieur du magasin. La jeune femme fit une entaille profonde le long du torse du Macchabée en serrant les dents, et elle reposa son couteau sur le sol à côté d'elle avant de plonger les mains dans les entrailles putréfiées pour se recouvrir le visage avec. Elle glissa ses doigts poisseux le long de ses joues et de son front, sur ses mèches blondes qui continuaient de revenir à leur couleur d'origine, descendit dans son cou et en remit un peu sur ses vêtements, avant de se tourner vers le chaton pour le recouvrir lui aussi du liquide protecteur. L'animal ne protesta pas, restant bien sagement assis, et elle s'essuya ensuite les mains sur son jean et récupéra son couteau qu'elle rangea à sa place contre sa hanche sous sa ceinture, avant de mettre la veste en cuir qu'elle avait dénichée dans une maison abandonnée la veille.

Elle vérifia le chargeur de son Beretta et du Glock qu'elle avait volé au type en même temps que le holster dans un geste machinal, cala le premier dans son dos sous son jean et le deuxième dans son étui au holster près de sa poitrine, et elle enfila son arc et son carquois dans son dos, avant de lancer un regard autour d'elle pour vérifier qu'elle n'oubliait rien tout en récupérant son sac à dos, et elle tendit une main vers le chaton pour l'inviter à venir se remettre sur son épaule. La boule de poils ronronna doucement en s'installant à sa place, plantant ses petites griffes dans le cuir épais du blouson pour stabiliser sa position, et Tonie quitta l'épicerie après avoir vérifié la rue silencieuse.

Le soleil écrasant haut dans le ciel recouvrant presque aussitôt son front d'une moiteur lancinante, la militaire marcha d'un bon pas le long de la rue déserte en surveillant le moindre mouvement, passa devant un petit groupe de rôdeurs qui ne daignèrent même pas la saluer, l'odeur du sang qui la recouvrait dissimulant parfaitement son odeur 'vivante', et elle tourna à droite pour quitter la petite ville de Blue Ridge, pour rejoindre l'orée de la forêt où elle serait moins à découvert, continuant son périple vers la prochaine ville qui croiserait sa route.

-

- Alors, c'est quoi le plan, Daryl ?

Son regard sombre rivé sur les rails de chemin de fer qu'il suivait et sa main enserrant le sac poubelle noir qui contenait ses quelques affaires, Daryl releva la tête vers Joe qui marchait à sa droite, l'observant un instant de ses iris tourmentés alors qu'ils traversaient un petit tunnel, avant de répondre.

- Comment ça ?

- T'es avec nous pour l'instant, mais pas pour longtemps ?

- Ouais. Répondit simplement l'archer, en lançant un regard absent vers les cinq autres hommes du groupe qu'il avait rejoint trois jours plus tôt et qui marchaient devant eux.