Sua Sponte

CHAPITRE 134

Tonie sentit les rayons matinaux venir chatouiller son dos dans une caresse délicate de particules dorées. Les bribes de rêves et de souvenirs enjolivés qui restaient accrochés à sa rétine s'éteignirent les unes après les autres à mesure qu'elle reprenait pied dans la réalité, et elle lâcha un ronchonnement typiquement matinal contre son oreiller, plissant les yeux pour obliger son sommeil à revenir la bercer encore quelques minutes.

Tous les petits bruits de la maison l'accueillirent les uns après les autres. Elle savait instinctivement qui était où. Carl, dans sa chambre, en train de lancer d'un geste répété une balle de tennis contre un mur. Michonne, en train de prendre une douche dans la salle de bain. Rick, dans la chambre voisine, occupé à se préparer tout en surveillant Judith. Les babillages de la petite résonnaient dans la maison à la manière d'un pépiement d'oiseaux joyeux. Une légère odeur de café flottait dans l'air, probablement préparé par Carol, se mélangeant à l'opulence olfactive de la matinée ensoleillée qui filtrait par la fenêtre entrouverte.

Elle sentit, à peine quelques secondes plus tard, la main chaude de Daryl venir se poser à plat contre sa nuque, le bout calleux de ses doigts lui décochant un frisson agréable quand il lui caressa le dos, et elle tourna la tête sur le côté, ouvrant un oeil ensommeillé sur le visage du Redneck.

Allongé sur le flanc, son coude gauche enfoncé dans son oreiller et sa main soutenant sa tête, Daryl esquissa un sourire d'une infinie tendresse en l'observant se réveiller, détaillant les iris hypnotisants qui glissaient sur son propre visage. Il regarda les prunelles grises s'arrêter sur ses yeux, glisser jusqu'à ses lèvres et descendre jusqu'à son torse, revenir vers son bras qui soutenait sa tête et s'arrêter sur les veines de son avant-bras, avant qu'elle ne ramène son attention sur son regard.

— Salut, elle murmura dans un sourire.

— Salut, il répondit sur le même ton.

Tonie inspira longuement pour chasser les dernières traces de sommeil qui engourdissaient son corps, avant qu'une boule de poils un peu trop collante ne vienne se planter devant sa vision en frottant son corps velu contre son nez.

— Le chat... elle marmonna sous le ronronnement de moteur de tracteur qui émanait de la boule de poils.

L'animal se contenta d'effectuer un deuxième passage encore plus amoureux, lui offrant ses fesses en gros plan. Daryl pouffa malicieusement en la regardant lâcher un nouveau grognement dépité, avant d'attraper le chaton pour le tirer vers lui. La boule de poils se laissa paresseusement tomber contre son torse, lui présentant son ventre rebondit en ronronnant de plus belle.

Après une quantité de débats extrêmement sérieux avec le reste de sa famille (voire la quasi-totalité d'Alexandria), et après moult réflexions, Tonie avait finir par choisir la facilité en appelant son chat « Le Chat », à défaut de réussir à mettre tout le monde d'accord. Elle avait de toute façon fait remarquer qu'il ne répondait qu'au mot « manger », et qu'un prénom assidûment réfléchit ne changerait rien. Elle avait bien pensé à « Tête de Mule », mais on lui avait fait comprendre que ça aurait du mal à passer...

— Bien dormi ? demanda Daryl de sa voix rocailleuse encore chargée de sommeil, en ramenant ses prunelles tourmentées sur le visage féminin.

Tonie acquiesça d'un hochement de tête en se perdant à nouveau dans le regard qu'il lui lançait, à moitié caché par ses fines mèches brunes.

Un mois était passé, depuis cette nuit étrange où ils avaient regagné Alexandria aux mains des morts. Depuis cette nuit qu'elle voyait encore comme un rêve, tant la suite d'événements qu'ils avaient subi pendant ces heures sombres semblait irréelle.