Sua Sponte

CHAPITRE 49

Les minutes passèrent sans un bruit, timides et mal à l'aise, tandis que Daryl continuait de garder Tonie tout contre lui, sur le sol de la petite pièce en désordre. On entendait le bourdonnement des insectes résonner depuis l'extérieur, perturbant à peine l'atmosphère douce de fin d'après midi, tandis que les rayons chatoyants du soleil glissaient subrepticement vers l'horizon dans un dégradé d'orange.

Son visage toujours enfouit contre le cou chaud et rassurant du Redneck, Tonie cligna lentement des paupières en fixant un point invisible devant elle, reprenant doucement conscience du monde qui l'entourait. Elle sentait ses joues picoter des larmes qui y avaient séché, la main de Daryl posée dans sa nuque, la douceur des lèvres de l'archer qui embrassait sa tempe, la douleur sourde et résiduelle qui comprimait son corps. Au prix d'un effort considérable, elle réussit enfin à se redresser avec des gestes lents, et elle planta son regard vitreux dans les prunelles du Redneck qui la fixait avec inquiétude.

- Je suis là. Murmura doucement Daryl en retirant une mèche blonde de son visage.

La militaire hocha calmement la tête, avant de glisser ses iris argentés autour d'elle à mesure que son cerveau réussissait à se re-connecter à son corps. Elle s'attarda sur son arc qui était tombé avec elle quelque minutes plus tôt et qui gisait au sol à un mètre, et elle tendit la main pour le récupérer avant de se relever, les mains du Redneck accrochées à ses bras pour l'aider. La tête lui tourna légèrement quand elle se remit sur ses pieds, et elle posa sa paume de main libre sur le comptoir à côté d'elle en prenant de longues inspirations.

La journée qu'elle venait de vivre avait avalé le peu de self-control qu'elle avait réussi à garder depuis que l'Enfer était descendu sur terre. Encore une fois, les actes qu'elle avait commis jusqu'à présent et les épreuves qu'ils avaient tous dû vivre lui revenaient en pleine face, bousculant sa raison qui essayait maladroitement de se raccrocher à tout ce qu'elle pouvait.

- T'avais raison. Elle finit par dire dans un souffle, en relevant légèrement la tête vers le mur blanc face à elle.

Daryl se tendit légèrement en entendant la voix brisée, et il resta silencieux en la laissant aller jusqu'au bout de son raisonnement, sa main gauche toujours posée dans la nuque chaude.

- Je suis plus en Irak. Avoua enfin Tonie, en sentant une larme solitaire rouler sur sa joue, brûlant son épiderme déjà à vif.

Le Redneck baissa la tête en mordillant sa lèvre inférieure, incapable de répondre quoi que ce soit. La brutalité du nouveau monde écorchait leur coeur chaque jour qui passait, écartant de plus en plus le gouffre sidéral qui avait prit possession de leur esprit. Et Tonie venait enfin de l'accepter malgré elle.

Soupirant doucement, la jeune femme ferma un instant les yeux en laissant sa révélation s'insinuer dans ses veines, prenant le temps de l'accepter malgré la douleur psychique que ça englobait. Elle n'était plus un soldat. Elle n'était plus dans le désert, en poste au milieu des dunes de sables à traquer des terroristes. Elle n'était plus lieutenant d'une unité. Elle n'était plus une mère.. Elle était juste une survivante, écorchée par la violence imposée de ce nouveau monde impitoyable.

Mais elle n'était pas seule. En témoignait la main de Daryl qui se crispa légèrement dans sa nuque, comme un rappel silencieux de sa présence à ses côtés. La colère et la douleur s'évanouirent lentement, et elle redressa la tête vers l'archer en esquissant un petit sourire. Le garçon sentit le coin de ses lèvres tressauter légèrement, et il enroba le petit visage de ses mains puissantes avant de venir poser son front contre le sien. Le sourire de la militaire s'élargit légèrement, et elle amena sa main droite sur la joue mal rasée de son ami en le remerciant d'un regard, avant de dévier son attention sur la fenêtre poussiéreuse à sa droite qui laissait filtrer les rayons dorés de la fin d'après midi.