CHAPITRE 125

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Les dernières lueurs de l'aube s'étiraient en mince filaments dorés entre les nuages bas. Une chaleur suffocante tombait déjà sur Alexandria, alourdie par l'odeur des Macchabées toujours dispersés tout autour de l'enceinte. Tonie relâcha un nuage de nicotine entre ses lèvres, lançant un bref regard à son chaton qui trottinait à ses côtés, avant de ramener son intérêt sur les murs de tôles qu'elle longeait depuis dix minutes, à la recherche de la moindre faille. On entendait le chant des insectes, les râles d'outre-tombe des rôdeurs et le craquement discret du bois de la chapelle accolée à l'enceinte. Une planche à moitié calcinée se détacha d'un des murs, attirant un instant l'attention de la Ranger.

Tonie observa le bout de bois retomber de l'autre côté des murs à quelques mètres, le son du choc assourdit par le bourdonnement incessant des morts amassés les uns contre les autres. Après une nuit blanche à penser à Daryl et à tout ce qui s'était déroulé pendant la journée de la veille, le ronronnement funeste soulevé par une brise légère créait une barre douloureuse tout autour de son front.

La jeune femme ramena sa cigarette à ses lèvres en balançant à nouveau ses iris argentés sur les tôles, avant de ralentir le pas en apercevant un mince filet rougeoyant glisser le long du métal. Fronçant doucement les sourcils, elle cala son mégot au coin de ses lèvres et s'approcha de la ligne de sang qui se déversait depuis un ancien trou de vis, rouge et épaisse contre son index quand elle le passa dessus. À peine quelques centimètres derrière les hauts murs, elle sentait les corps froids et putrides se presser les uns contre les autres, à la manière de nuages noirs qui s'amoncelleraient dans un ciel orageux. Plissant un oeil sous le soleil aveuglant du début de journée, elle essuya son doigt contre son jean en levant la tête vers le haut de l'enceinte, avant de s'éloigner.

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Daryl sentait le poids du sac en toile accroché à son épaule. La mallette d'Insuline rangée à l'intérieur ricaner contre sa culpabilité. Il sentait ses nerfs à vif, écorchés à chaque pas qu'il faisait au milieu de cette forêt dévorée par la mort. Son arbalète relevée devant ses yeux, il cherchait le trio entre les arbres calcinés.

Âme charitable. Bonté. Compassion... Foutaises ! Non, il ne pouvait pas leur enlever ce médicament. Il n'était pas comme ça. Il n'était plus comme ça. Ils étaient paumés, sur le qui-vive. Ils avaient besoin de cette Insuline pour la petite blonde. Il ne pouvait pas prendre ça sur sa conscience. Mais il savait aussi qu'il se mettait en danger en retournant vers eux. Qu'il perdait du temps sur son retour à Alexandria, qu'il perdait du temps pour retrouver Sasha et Abraham. Qu'il perdait du temps pour retrouver Tonie...

Tiens, ils sont là. Recroquevillés les uns contre les autres, à fixer le vide sans savoir quoi faire. Reste sur tes gardes, Daryl. Un seul faux pas, et ils se retourneront contre toi.

— Lâche le flingue !

Sa voix rocailleuse claqua dans le faux silence des bois environnants. Le type au visage anguleux se retourna d'un coup en se redressant, la nuque tendue et l'index sur la détente de son arme qu'il brandit devant lui.

— Lâche-le ! ordonna Daryl, en continuant de les braquer avec son arbalète.

Derrière le type, les filles avaient perdu de leur superbe. Adieux, regards intimidants. Elles étaient recroquevillées l'une contre l'autre, la blonde affichant une pâleur inquiétante. Deux gamines effrayées, protégées par un type tout aussi effrayé, qui tenait seulement debout grâce à l'assurance donnée par son flingue.

Mais l'assurance s'envola comme un château de cartes face à la hargne qui se dégageait du regard du Redneck. Le pistolet du type retomba lentement le long de son bras, en même temps que son regard se faisait impénétrable, coincé entre l'inquiétude, la colère et la résignation. Daryl s'approcha prudemment, son arbalète toujours dressée devant ses iris bleus.

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant