CHAPITRE 24

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- NON !!! Rosie ! Non !

Le hurlement était partit de ses tripes et avait remonté dans sa gorge avec la force d'un ouragan, brisant son coeur en miettes au passage. Non, pas en miettes. Il l'avait lacéré, massacré, réduit au néant, immolé dans un feu brûlant, avant de le faire disparaitre totalement. Elle n'avait plus de coeur. Plus de raison. Plus d'âme. Plus rien.

Les membres engourdis par la douleur innommable, ses tympans sifflant cruellement contre sa boite crânienne, Tonie se débattait entre les bras de Daryl, ses iris argentés embués d'un torrent de larmes fixant le petit corps de sa fille qui remuait sur le canapé. Un râle inhumain s'échappait des lèvres du bambin, et ses iris innocents remplis de vie avaient été remplacés par le voile pâle de la mort. Rosie n'était plus. L'épidémie avait eu raison de son petit corps tout juste arrivé sur cette terre, et l'avait terrassé en moins de vingt quatre heures.

Tonie n'entendait plus rien, ne voyait plus rien que le visage horriblement pâle de sa fille, de son miracle, de l'amour de sa vie, qui continuait de lâcher des grognements menaçants en agitant ses petits bras potelés. La militaire s'agrippait aux bras de Daryl qui continuait de l'enserrer contre lui, griffant la peau de l'archer, lâchant toute la puissance de sa voix dans une lamentation sinistre.

- Il faut le faire.. Murmura Daryl en la gardant puissamment contre lui.

La voix du garçon lui parvenait de loin, comme en écho.

- Tonie, c'est plus Rosie. C'est plus ta fille.. On peut pas la laisser comme ça..

- Je le fait si tu veux. Ajouta Merle d'une voix grave.

- Non, Rosie..

Elle avait murmuré doucement le prénom de sa fille, dans un sanglot déchirant qui transperça le coeur des frères Dixon. Merle déglutit difficilement, la main sur le couteau de chasse accroché à sa ceinture, et il échangea un regard avec son petit frère qui continuait d'envelopper la jeune femme de ses bras. Les cris de Tonie s'évanouirent lentement, et elle se laissa tomber lourdement à genoux sur le sol en parquet du salon de la petite maison des Dixon, entraînant Daryl avec elle. Le garçon la soutint de justesse en s'accroupissant, et il posa une main tremblante dans la nuque de la jeune femme quand elle laissa tomber sa tête sur son épaule.

Dehors les premières lueurs de l'aube pointaient le bout de leur nez, filtrant leurs rayons mauves et roses à travers les grands arbres, prémices d'une nouvelle journée brûlante. Un rayon doré vint caresser le visage poupon de Rosie qui continuait de grogner doucement sur le canapé, enroulée dans un plaid, avant de glisser jusqu'à celui de sa mère qui cligna lentement des yeux, l'éclat d'or pur dans sa prunelle étincelant un instant. Au bout d'un long moment, elle se redressa sur ses pieds à l'aide de Daryl, et tourna la tête vers Merle qui n'avait pas bougé à côté d'eux.

- Donne moi le couteau. Finit par murmurer Tonie d'une voix froide, en tendant la main.

- Tonie, t'es pas obligé de le faire. Lança l'aîné Dixon de sa voix rocailleuse.

- C'est ma fille. C'est à moi de le faire. Rétorqua la jeune femme.

Merle hésita un instant, échangeant un regard en coin avec son frère. Mais la noirceur qui avait gagné les iris d'ordinaire pétillants de la militaire le fit céder, et il sortit son couteau de chasse de son étui avant de le poser doucement dans la paume ouverte de la jeune femme.

Tonie referma ses doigts fins sur le manche en bois finement gravé, et elle s'avança vers Rosie qui continuait de gigoter dans sa couverture en laissant échapper des râles funestes. La mère s'agenouilla aux côtés de la petite fille, fermant un instant les yeux, son corps tremblant de tout ses membres. Avec précaution, elle posa sa main sur le ventre de son enfant, observant une dernière fois le visage innocent qu'elle avait mit au monde cinq mois plus tôt.

Sua SponteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant