La nuit était tombée. Dans le ciel dénué d'un quelconque nuage, les étoiles scintillaient malicieusement entre elles, comme une infinité de diamants sur un océan de noirceur. Il n'y avait pas un souffle de vent. Seulement le doux chant des insectes et le bruissement léger des feuilles des arbres et des massifs, quand un petit animal se faufilait au milieu des ombres.
Assise à même le sol, ses jambes tendues croisées devant elle et son bras gauche soutenant le haut de son corps, Tonie termina de mâchouiller son morceau de viande d'opossum, avant de jeter le petit os au milieu des bûches du feu de camp qui crépitait sur sa gauche. La jeune femme lâcha un petit soupir satisfait entre ses lèvres, tournant son regard sur le lac qui leur faisait face, enclavé entre les montagnes. La surface de l'eau ondulait comme une couverture de satin, se déversant dans un murmure discret le long du rivage en faisant rouler le gravier blanc de son pourtour.
Après avoir passé la journée à fouiller les environs sur une quinzaine de kilomètres à la ronde, sans rien trouver d'autres que quelques boîtes de conserves et un paquet de cigarettes à moitié vide, Daryl et Tonie avaient établi leur camp pour la nuit dans ce petit fragment de sérénité, que l'archer avait déjà repéré dans une expédition antérieure.
Pour accéder à cet endroit perdu au milieu des montagnes rocheuses, il fallait traverser une forêt d'arbres caducs pendant une quinzaine de minutes, avant de déboucher sur la rive en arc de cercle. Le lac n'était pas très grand. À peu près de la taille d'une piscine olympique. Son eau sombre reflétait les éclats de la lune dans des fragments d'argent scintillants.
Pendant l'espace de quelques secondes, Tonie eut l'impression de se retrouver des mois en arrière, quand ils étaient encore à la carrière, ignorants du nouveau monde qui s'établissait autour d'eux. Elle sentit un flot de souvenirs remonter derrière ses rétines, et elle pinça les lèvres en redoutant la sensation de pesanteur et de douleur rattachée à sa mémoire, avant de redresser légèrement le menton en réalisant que les souvenirs n'étaient — pour une fois — pas tâchés de sang.
Non, elle se remémora plutôt certains détails qu'elle pensait avoir oubliés.
Andrea, Amy, Jackie et Carol, qui nettoient le linge sur les bords de la carrière en discutant et en riant. Dale, occupé à trifouiller le vieux moteur de son camping-car avec Jim, tout en donnant des cours de mécanique à Glenn. Lori, qui coupe les cheveux de Carl. Shane, son éternel Mossberg sur l'épaule, occupé à faire le guet. Merle et elle-même, qui s'envoient des pics tout en bichonnant leur moto respective. Daryl et ses regards en coin sur tout le monde.
Elle se remémora les fils à linge qui courraient partout et les feux de camp disséminés entre les tentes. Le murmure des conversations le matin. La planche à repasser de Carol. L'odeur du café. Cette impression d'être complètement coupés du monde.
— Une pensée pour une pensée.
Tonie cilla lentement en s'extirpant de ses souvenirs, tournant la tête vers Daryl, installé légèrement en retrait sur sa gauche. Le garçon avait une jambe repliée devant lui, un coude posé sur son genou et ses mains se trituraient distraitement l'une l'autre. La lueur orangée du feu de camp devant lui faisait briller ses iris tourmentés derrière ses mèches brunes et ondulait le long de ses bras hâlés à la manière de doigts amoureux. La cigarette coincée entre l'index et le majeur de sa main gauche laissait échapper un mince filet de fumée grise, qui montait devant son visage en tourbillonnant lentement.
— Tu me dis à quoi tu penses, et je te dis à quoi je pense, reprit Daryl de sa voix rauque, en considérant le regard interrogateur que lui lançait Tonie.
La jeune femme mordilla sa lèvre inférieure en réfléchissant, détaillant le regard que son archer avait posé sur elle, avant de lâcher un soupir en se redressant.

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Sua Sponte
Fanfiction"Son coeur battant à cent à l'heure, Tonie continuait de fixer Glenn et le Shérif qui avançaient lentement, observant avec inquiétude les corps décharnés qui se retournaient de plus en plus à leur passage à mesure que la pluie les nettoyait de l'ode...