Chapitre 9

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Le son d'une musique typiquement brésilienne me réveille. Je papillonne des yeux en grimaçant, le temps de m'habituer à la lumière du jour, puis je me redresse paresseusement. J'entends la voix de mon oncle chanter dans la cuisine au rythme de cette musique qui semble sortir d'une radio. Je ne sais pas quelle heure il est, mais je suis assez contente de savoir qu'il est encore à la casa. Je quitte mon lit, pieds nus, mes pas m'emmenant primordialement à la salle de bains pour soulager ma vessie matinale. J'en profite pour passer un coup d'eau sur mon visage afin de me réveiller et de me rafraîchir un peu face à la chaleur de cette journée. Puis je rejoins mon oncle dans la cuisine.

L'envie de rire mélangée à la gêne me force à me pincer les lèvres en voyant mon oncle bouger le bassin en chantonnant des paroles portugaises au milieu de la petite cuisine. Ce spectacle me fait pincer les lèvres pour m'empêcher de pouffer de rire.

_ Oaria raio oba oba oba. Chante-t-il.

Il dépose ce qu'il tient dans les mains sur la table. Lorsqu'il remarque ma présence, son sourire s'élargit à vue d'œil. Il s'avance vers moi toujours en bougeant le bassin et me prend délicatement la main pour m'inviter à le rejoindre.

_ Este Samba que é misto de maracatu é samba de preto velho samba de preto tu. Entonne-t-il en me faisant tourner sur moi-même.

En gloussant, je me laisse guider et esquisse maladroitement quelques pas de danse pour lui faire plaisir, même si cela m'embarrasse. Comme s'il avait remarqué ma petite gêne, ou plutôt que j'ai deux pieds gauches, il relâche gentiment ma main et tourne lentement sur lui-même en positionnant ses bras comme s'il tenait quelqu'un contre lui, accentuant mon amusement.

_ Oaria raio oba oba oba... Bien dormie?

Il a l'air de bonne humeur, et cela me met tout de suite de bonne humeur aussi. Je m'approche d'une chaise en hochant la tête, un sourire qui ne veut pas quitter mes lèvres.

_ Au menu, minha filha, des merveilleux pao de queijo et des fruits. Je parie que tu ne connais pas, et heureusement que tu as un magnifique oncle pour te faire découvrir les spécialités du pays.

Assise sur ma chaise, je le regarde déposer la fameuse bouteille de jus de canne à sucre et du café pour qui en veut. Puis il retire son tablier qu'il pose sur le dossier de la chaise, qu'il tire pour s'asseoir dessus.

_ Je bosse aujourd'hui, d'ailleurs je suis en retard, mais rien ne vaut un bon petit-déjeuner en compagnie de ma nièce.

_ Tu travailles dans quoi en fait?

Je prends une boule de ce qui ressemble à du pain fourré au fromage.

_ Le show-business, tu connais? J'ai ma petite réputation dans les affaires commerciales du Brésil. Répond-t-il fièrement.

Surprise, je le contemple un petit moment sans bouger. S'il est aussi important qu'il le dit dans les affaires, alors que fait-il dans cette favela?

Mon oncle avale quelques gorgées de café, puis plante son regard dans le mien.

_ Non je plaisante, minha filha. Je suis vendeur de légumes en ville.

Je manque de m'étouffer avec ma boule de fromage en pouffant de rire, tandis que mon oncle grimace en affichant une mine vexée.

_ Eh, y'a pas à se moquer. C'est du show-business aussi que de vendre des tomates. Je suis bon dans ce domaine. Un sourire, deux-trois compliments aux vieilles dames, et elles sont prêtes à payer 300g, au prix d'un kilo.

_ C'est de l'arnaque.

_ Business is Business. Dit-il en me faisant un clin d'œil.

Amusée, je secoue la tête en épluchant une orange. Mon oncle finit son café d'une traite après avoir jeté un coup d'œil à sa petite montre de fortune. Il se lève.

PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant