PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]

Chapitre 27

Petit P

Pedro est venu nous chercher sur l'un des toits de l'entrée de Jacarezinho. Là où le soleil tape le plus, là où on enlève nos tee-shirt pour laisser les rayons nous colorer et foncer encore plus notre peau.

J'avais enlevé mes vieilles claquettes avant qu'il n'arrive, parce que l'une des languettes s'est cassée pour de bon ce matin. Ça faisait déjà quelques jours qu'elle montrait des signes de faiblesse. Chaque fois, je la renfonçais dans le trou de la semelle, espérant que cela tiendrait encore un peu. Mais aujourd'hui, elle a décidé de me lâcher définitivement. Alors, un peu énervé, je les ai jeté dans un coin du toit. Et maintenant, je sens la chaleur des tuiles sous mes pieds nus quand je rejoins Limão et Zeca, qui commencent déjà à descendre du toit avec la souplesse de ceux qui ont grandi ici.

Ils ressemblent à des petits singes.

Pedro nous a dit que le chefe voulait nous voir, et je sais déjà pourquoi. Soit il va nous tuer aujourd'hui parce qu'on est allés à la plage avant-hier, soit il va nous demander de tuer quelqu'un. Dans tous les cas, il y aura une vie à perdre dans le jeu. Comme d'habitude, comme toujours. C'est comme ça ici. Il y a toujours des vies qui se perdent.

En descendant du toit, je m'érafle la plante des pieds sur une tuile cassée. Je grimace en touchant le sol rugueux de la ruelle, sentant chaque petit caillou et débris sous mes pieds nus, ce qui me fait légèrement tituber. La chaleur du béton brûle, mais ce n'est rien comparé à la peur qui me serre le ventre.

Pedro descend beaucoup plus facilement que nous, il atterrit en douceur en un seul saut. C'est impressionnant. Même Zeca le regarde presque avec admiration.

Pedro nous fait ensuite signe de le suivre sans un mot. Son silence me fait peur aujourd'hui. Pas Pedro en lui-même, mais le fait qu'il ne parle pas. Je n'aime pas quand il est comme ça, ça annonce que quelque chose de pas bien va se passer. Du coup maintenant, j'ai peur qu'il nous mène au quartier général et qu'on n'en ressorte pas vivants. C'est comme ça ici. Être en vie n'est plus une bénédiction, c'est juste... un coup de chance. Comme mamãe (maman) me disait avant.

Nous avançons dans la ruelle étroite, les murs délabrés de chaque côté, tagués de graffitis colorés et de messages que je ne comprends pas toujours. Le soleil tape fort au-dessus de nos têtes. Je regarde Limão et Zeca, mais je vois pas la peur dans leurs yeux.

Pedro marche devant nous, il a une mitraillette à l'épaule, les soldats le saluent quand ils le voient, même ceux qui ne font pas partie du cartel le saluent. Parfois je me demande si les gens respectent Pedro parce qu'il est gentil ou parce qu'il a une mitraillette. Je remarque la sueur qui perle à la base de son cou. Il fait vraiment très chaud cette après-midi, j'aurais aimé être à la plage.

Le quartier général n'est pas loin, juste quelques ruelles à traverser.

On arrive rapidement au quartier général. Limão ne parle pas non plus. Lui qui d'habitude passe son temps à nous raconter ses exploits en tant que menino. Il a dix-sept ans. C'est le plus grand de nous trois. Après lui, il y a Zeca qui aura quinze ans dans deux semaines. Et moi, je suis le dernier, le plus jeune. Aucun de nous ne va à l'école. Du moins, on n'y va plus. On n'a plus le temps, tout simplement.

Nous entrons au quartier général. Pedro nous emmène directement à l'étage. Il redescend après nous avoir rappelé de faire preuve de respect devant le chefe.

Limão toque, puis ouvre la porte et entre en premier en prenant un air décontracté qui lui va super bien. Même dans les moments les plus tendus, il arrive à garder cette façade cool. Zeca entre à son tour, ses épaules un peu raides, mais je crois qu'il essaie de ne pas montrer qu'il a peur. Et moi, comme toujours, je suis le dernier et j'ai vraiment très peur.