Chapitre 128

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Sofía

La tristesse est souvent un sentiment de colère qui refuse d'exister par la haine. C'est un château où mon âme se perd, entre ma cage thoracique, mon cœur étouffe. Son absence attise ma colère et rend définitif ce qui était rattrapable. Le mot de trop, la phrase jetée en l'air, toutes ces réactions brutales ne sont que des tours de l'esprit pour me convaincre moi-même de son retour. Sauf que, j'ai l'affligeante impression de tourner dans le vide. J'aimerais que l'aube qui accapare le ciel, ait la même hésitation qu'un papillon perdu dans l'immensité d'un plateau. Je me sentirai moins seule d'être sous l'aurore naissant. Que suis-je, sinon une petite âme qui maintient debout un cadavre ?

Assise sur les marches du perron de l'hôtel, les bras encerclant mes jambes. J'attends depuis plusieurs heures, le ventre torsadé de faim et de neurasthénie. J'ai vu le ciel changer de couleur, berçant mon cœur puis tuant ce dernier par le temp qui nous séparent. Nous deux, ce n'est qu'une utopie de bas gamme. Qu'est-ce que vous auriez fais à ma place ? Je veux savoir. Je veux qu'on m'indique le chemin à suivre. Je veux un itinéraire de survie. Je veux qu'on m'apprenne à rétorquer comme le ferai un soldat sur un champ de bataille. Mais tout ce dont je suis capable, c'est de subir les moments affligeant de ma vie. Couenne à perte de vue qui vogue autour de mon corps. Mes yeux épluchent les environs, c'est tout ce que je peux réaliser. Dessiner visuellement le prémices de cette journée, cueillir le déclenchement du jour, me délecter de l'avant-goût des premières lueurs. Calmement, les rayons solaires percent le dôme à travers les cotons céleste. Mon regard abandonne ce théâtre azuré pour se poser sur mes doigts qui se triturent entre eux. Bon sang, l'impatience est dévorante ! C'est terrible de me demander s'il reviendra. Décamper sans prévenir son départ, c'est comme l'absence d'un retour. Ce noeud dans ma gorge est si serré que ma salive écorche mon œsophage à chaque déglutition.

Il ne peut pas m'abandonner. Pourtant, chaque seconde qui défilent me chuchote sardoniquement qu'il ne reviendra pas. Sinon, il serait là depuis bien longtemps. Je suis descendu de la chambre lorsque la lune était à son apogée, je suis encore assise sur les marches lorsque le soleil apparaît. Le temps s'écoulent comme trois automnes et mon cœur se comprime comme dans les mains de toute celles qui se sont éprise d'un homme mauvais. Perséphone, Cléopâtre, Euridyce, Juliette, Iseut, Thisbé, Antigone, Héloïse...elles me châtient pour m'informer de leur calvaire vécue et qui se renouvelle avec moi. Elles me châtient en compressant mon cœur dans leur mains, pour m'avertir de la tragédie qui m'attends de pied ferme en étant amoureuse de Ángel. Elles me châtient pour me prévenir...mais je fais la sourde oreille en continuant d'attendre son retour. Vais-je le regretter ?

Les regrets. Je les avales depuis mon arrivés à Jacarezinho. Mon seul repas d'existence, c'est bien les remords. Une brise froide me fais frissonner tandis que je soupire en me tournant vers le cadavre du toxicomane. Il a finit par périr de son overdose mais je ne suis pas peiné par son sort car la peine qui gonfle ma poitrine se bombent par le chagrin que m'inflige Ángel.

Soudain, un homme apparaît dans mon champ de vision. Vêtu d'un jogging noir et d'un manteau bleu nuit ainsi que d'un bonnet rouge tel allure de gueux mais en avançant nonchalamment sur le trottoir devant moi, je remarque sa barre de céréale à la main, encore neuf.

Sans une once de réflexion, je me lève maladroitement.

_ Excusez-moi ! L'arrêté-je. Monsieur...eh...attendez !

Il se tourne lentement dans ma direction, arborant une mine presque fâché que je le dérange.

_ Est-ce qu'il serait possible que je vous achète votre barre de céréale s'il vous plaît ?

PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant