Chapitre 97

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Caleb



Lorsque, huit années auparavant, je croupissais chez moi, anéanti par une dépression d'une épaisseur ahurissante, torturé, malmené, ballotté entre larmes amères coulant chaque jour sur mes pauvres joues pâles et cette épée qui meurtrissait ma chair d'un si brûlant désespoir, je me disais : il n'y a aucun moyen de supprimer l'atrocité de cette guerre de l'intime, impossible de comprendre combien la douleur psychique peut être aussi intense qu'une torture physique comme si le nerf des émotions intérieures était trituré par un sadique invisible. 

Je me souviens, alors, de cette sensation que j'avais de vivre sous terre, dans un labyrinthe obscur de galeries excavées à la main, et de mes doigts ensanglantés par la marche à tâtons contre les rocs et la terre rugueuse qu'il me restait à creuser.

Et puis, par un heureux bonheur que je m'explique encore mal, alors que j'étais arrivé au point de rupture, celui qui affirme qu'on ne peut plus vivre dans cet enfer absolu, qu'on a atteint la dernière des limites de la douleur pourtant mille fois repoussée, soudain, Ángel est apparu dans ma chienne de vie.

D'abord, Pedro m'a donné de l'oxi/oxidado. On inhale la vapeur du petit caillou jaunâtre artisanal. C'est la drogue de la mort, typiquement brésilienne. 5 fois moins chère que le crack. Ses effets ? Ceux du crack décuplés, jouissifs et insoutenables à la fois. Entendre la "voix du diable" ou voir sa bouche se nécroser font partie des options.

Ce n'étais pas ce qu'il me fallait, non, au contraire ça m'a détruit davantage. J'en était dépendant, accro, addict et ça me consumais mortellement. Puis Ángel est arrivé par miracle.

Il m'a offert espoir comme sur un plateau d'argent, pourtant le rationnel aurait plutôt qualifié ça du souffle du diable. Cette espoir n'était rien d'autre que le Crystal meth qui inhibe les pensées indésirables ainsi par ailleurs sa voix.

J'aime la méthamphétamine parce qu'après en avoir consommé, je me sens, durant de nombreuses heures, pleins d'énergie et sûrs de moi-même ; la méthamphétamine accroît la vigilance et me confère de la vigueur, bloquant rapidement sa voix anéantissante.

Mais la maladie a fini par reprendre ses droits, et me voila une nouvelle fois au bord de la mort.

En fait, nous nous connaissons peu. Comme une barrière qui nous aurait toujours séparés. L'un et l'autre, le noir et le blanc, l'angoisse ou la paix. Il n'est pas moi, pourtant paradoxalement je suis lui.

Suant tel un océan d'angoisse, les pommes de les mains agrippant férocement le rebord du robinet, essoufflé je fixe l'arme en ignorant sa voix.

Mon regard tremblant se relève vers le miroir, mon reflet, c'est lui. Je suis lui. Putain il est devant moi.

Je suis pas dans le miroir, je suis en toi.

Laisse moi te guider, Caleb arrête de persévérer.

_ FERME TA GUEULE ! CRÈVE PUTAIN GRÈVE FILS DE PUTE !! Hurlé-je nerveusement en attrapant l'arme que je pointe vers le miroir

Baisse ton arme Caleb ! Ne me met pas en colère.

_ CRÈVE ! Hurlé-je en tirant à plusieurs reprise sur le miroir qui se brise

PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant