Il est aux environs de vingt heures lorsque nous quittons le quartier général. La nuit enveloppe tout d'un voile sombre, ponctué par les lumières sporadiques des quelques réverbères encore fonctionnels.J'ai stressé tout au long du trajet, ne sachant pas où il voulait m'emmener, redoutant qu'il ne me force une fois de plus à franchir les limites de la légalité. Mais à notre arrivée à cette zone animée de la favela, une toute nouvelle perspective du bidonville s'offre à moi.
Une multitude d'habitants dansent au milieu de cette place, la musique assourdissante faisant vibrer l'air. Tout le monde bouge, se frotte les uns contre les autres. Des lumières colorées éclairent ce beau monde enjoué.
_ Je ne connaissais pas cet endroit. murmuré-je, émerveillée.
Ángel ne me répond pas alors que nous nous enfonçons dans la foule serrée. Il n'a probablement pas entendu ma voix étouffée par la musique ambiante.
Je me heurte à quelques coudes, m'excusant maladroitement lorsque je bouscule quelqu'un involontairement. Il m'est difficile de me frayer un chemin à travers la masse pour suivre Ángel, alors que lui, il n'a pas du tout l'air d'avoir du mal à passer. Les gens s'écartent instinctivement sur son passage, et je remarque même que certains se décomposent en le voyant.
J'imagine qu'il exerce son autorité sur absolument toute la favela, les habitants semblent le craindre partout où il va, tandis qu'il semble lui tout à fait indifférent aux regards de peur qu'on lui porte.
Par miracle, nous finissons par émerger de la foule. Ángel nous a conduits vers un muret, légèrement à l'écart de la piste de danse mais aux abords directs de la place.
Un groupe d'hommes armés de mitraillettes se tient adossé au muret, accompagnés de femmes. Et en posant mon regard sur la table derrière eux, où reposent plusieurs capsules identiques à celles que je passe mes journées à fabriquer, je sens une pointe d'appréhension remonter.
Je m'arrête instinctivement à bonne distance et détourne le regard, pour éviter que l'un d'eux ne s'imagine que je suis intéressée par leurs marchandises.
Pendant que Ángel s'entretient avec ses soldats, mon regard plonge dans la foule et je remarque des hommes brandissant des mitraillettes en l'air au milieu de la fête, faisant naître un frisson le long de mon dos.
Je sens un bras entourer mes épaules, je me raidis sur place tandis que Ángel me tire plus loin et nous emmène sur le muret mais écarté de ses soldats.
Il attrape ma nuque et fait une pression dessus pour me forcer à m'assoir sur le muret, il s'assoit près de moi indifférent aux habitants qui dansent devant lui et il s'allume une cigarette.
_ C'est quoi cette fête ? demandé-je, incapable de contenir ma curiosité.
_ Un baile Funk. Répond-il après avoir pris une bouffée de sa cigarette.
_ pourquoi ces hommes sont toujours armés d'une mitraillette ? Demandé-je curieuse alors que la raison semble évidente.
C'est des criminels, je les vois mal se balader avec des bouquets de fleurs
_ la mitraillette a une puissance de tire jusqu'à vingt à trente balle.
Je me tourne vers lui en attendant une suite à sa réponse que je trouve incomplète.
_ si des intrus pénètrent la favéla pour un assaut contre nous, les mitraillettes sont un atout redoutable.
_ ta vie a toujours était...comme ça ?
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PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]
ActionSuite au décès précoce de son père, Sofía s'envole pour le Brésil rejoindre son oncle qu'elle n'a jamais vu avant. Et alors qu'elle pensait s'installer à Rio de Janeiro dont le paysage est festif, la réalité est tout autre lorsqu'elle apprend que so...