Chapitre 8

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Assise sur le rebord de la fenêtre de ma chambre, je contemple le paysage nocturne. De ma fenêtre, je ne peux pas voir toute l'étendue de la favela, je ne vois que la ruelle en contrebas, et les quelques casas qui s'entassent en face. Il y a des poubelles, et quelques bruits, comme les aboiements sporadiques des chiens errants, et le vrombissement d'un scooter lointain qui vient de quelques rues plus loin.

Je pousse un soupir en posant mon menton sur mes genoux repliés contre ma poitrine, réfléchissant à cette drôle de journée qui s'achève.

J'ai passé l'après-midi avec Avani et son copain Teraw au terrain, à tenir la chandelle entre eux puisqu'ils parlaient en portugais entre eux, et que je ne comprenais pas une traite de ce qu'ils se disaient, ils auraient pu tout autant parler de moi comme parler de la pluie et du beau temps que je n'en saurais rien. Je me suis contenté de sourire comme une idiote quand Avani gloussait et croisait mon regard.

Il y avait plein de monde au terrain, des jeunes hommes qui jouaient au football pieds nus, avec un vieux ballon qui avait l'air dégonflé et usé. Le sol était en terre battue, et les cages de but improvisées délimitaient par deux gros sacs de ciments. Le soleil tapait si fort que j'en ai probablement pris des coups de soleil, je le sens en tout cas sur mes pommettes.

J'ai fini par rentrer chez moi dans les alentours de dix-sept heures et demi, et n'ai rien fait d'autre que manger les restes de la galinhada de la veille avant d'aller dans l'oisiveté sur mon lit jusqu'à maintenant.

La porte de ma chambre s'entrouvre soudainement, me faisant sursauter de surprise. Je fronce les sourcils en quittant instinctivement le rebord de la fenêtre, et me dirige vers mon lit en apercevant la silhouette familière de mon oncle dans la pénombre de la nuit.

_ Je savais que tu ne dormais pas. Chuchote-t-il à l'embrasure de la porte.

Ne sachant pas quoi dire, je m'assois sur mon lit tandis qu'il entre dans ma chambre pour venir prendre place auprès de moi en se grattant la nuque.

_ Comment s'est passée ta journée avec Avani ?

_ Bien. Répondis-je simplement en me retenant d'hausser les épaules.

Un silence inconfortable s'installe, assez gênant d'ailleurs, laissant transparaître son hésitation à aborder le sujet qui le préoccupe. Il a l'air de ne pas savoir quoi dire ou comment lancer la discussion.

_ J'ai entendu dire que tu étais allée au quartier général. S'exclame-t-il au bout d'un moment. Tu aurais dû attendre, je comptais y aller après le boulot.

_ Des hommes armés nous ont dit qu'on devait y aller immédiatement, sinon je serais considérée comme une ennemie. Me justifiai-je en sentant un frisson traverser ma colonne vertébrale rien qu'en y pensant.

_ Je vois. La voisine m'a tout raconté. Tu... Comment ça s'est passé là-bas ?

Je hausse les épaules. J'ai eu peur de mourir et que ça tourne au désastre, mais malgré l'imposante terreur que m'a procurée le prénommé Ángel, il n'a pas été aussi méchant que je l'aurais pensé.

_ Pas si mal. Le chef m'a demandé mon prénom et ma casa avant de nous ordonner de partir.

Je vois mon oncle froncer les sourcils.

_ Tant mieux. Je préférerais que tu n'ailles plus au terrain avec Avani. J'y suis passé en rentrant du travail et apparemment les trafiquants traînent là-bas.

Les trafiquants ? Mais cet après-midi, je n'ai vu personne. Enfin, hormis les joueurs de foot, je n'ai pas vu d'hommes armés. Je plisse les sourcils, perplexe, mais hoche quand même la tête.

_ D'accord.

Mon oncle hoche la tête en retour, et se lève, après m'avoir souhaité une bonne nuit, il quitte la chambre. Je reste un moment assise dans le noir, encore confuse par cette conversation à plus d'une heure du matin. Puis je me couche et attends que le sommeil me vienne.

Je ne comprends pas pourquoi mon oncle est venu me parler aussi tard. Je l'ai entendu rentrer à la maison dans les alentours de vingt et une heures, vingt-deux heures, mais il a attendu une heure du matin pour venir me parler. Je me tourne, et me retourne sur mon lit à la recherche d'une position confortable, puis m'endors lentement sans que je ne le remarque.

PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant