Il est 2h26, et le sommeil me tourne le dos. Mes yeux ne veulent pas se fermer car mon esprit s'englue trop profondément dans des idées que je n'arrive pas à chasser de ma tête. Je cogite sur la tournure que prend ma vie, sur ce qu'elle devient, sur à peu tout la concernant. De quoi serait-elle faite si je n'étais pas venue vivre ici, si j'avais suivi une autre voie ? Est-ce que les choses auraient été différentes si j'avais été plus astucieuse dans mes choix ? Si j'avais...j'en sais trop rien.J'ai conscience que pour vivre bien, il faut éviter les regrets. J'essaie de ne pas me morfondre, mais c'est comme un réflexe autodestructeur qui enfonce le clou sans fin. Je n'arrive vraiment pas à repousser mes tracas, et ces derniers en profitent pour m'enterrer sous terre. Les murs de ma chambre m'oppressent. Il est 2h26, et Morphée ne veut pas de moi. Et puis même s'il m'acceptait, ses bras ne m'offrirai pas le repos que j'espère.
Je me retrouve à fixer le plafond sans bouger, avec des réflexions obsédantes en tête. J'aimerais m'en débarrasser, ou juste oublier ce qu'il s'est passé aujourd'hui, mais je ne peux pas. En partie parce que j'ignore comment surmonter ça, et également parce que je ne me sens pas capable de passer au-dessus.
La fusillade était...traumatisante. Sur le moment, je n'avais pas anticipé l'ampleur du coup qu'elle aurait portée à mon état mental. C'était terrible, comme si cette journée avait ouvert une porte, quelque part dans mon esprit. La plupart du temps, je préfère tourner autour et ne pas m'en approcher, car une fois ouverte, c'est la pagaille. Mais elle s'est entrouverte aujourd'hui. Au milieu de cette favéla que je ne voulais pas connaître et qui réveille en moi de profondes angoisses.
Cette putain de fusillade a été la maudite clé. Je n'ai jamais souhaité ouvrir cette porte. Mais ce n'est pas moi qui décide pour elle. Et voilà où j'en suis maintenant, emmêlée dans toutes ces peurs insoupçonnées qui se cachaient derrière cette foutue porte.
Ces pensées me hantent à chaque seconde depuis que je suis rentré chez moi. Même si les murs de la casa m'aident un peu à repousser ces inquiétudes, elles restent malgré tout quelque part, entre mon imagination, mon quotidien et la réalité. Je donnerai beaucoup pour m'en libérer.
Il est 2h26, et j'ai abandonné depuis longtemps l'espoir de dormir. En fait, j'aimerais juste que quelqu'un soit là près de moi, du réconfort, un peu de confiance, de quoi avancer sereinement et d'arrêter de m'attendre au pire constamment. Je n'y crois pas, et c'est normal après ce que je viens de vivre, je suis encore submergée par toutes ces émotions que j'ai ressenti durant la fusillade, et qui me malmènent encore en ce moment.
Dans un soupir exaspéré, je repousse mes draps sur le côté et sors de mon lit. Pieds nus, je quitte ma chambre. J'entends mon oncle dans la salle de bains quand je passe devant. Il est 2h26, mais il est rentré bien plus tôt que ça. Je me demande s'il est au courant de ce qu'il s'est passé aujourd'hui, s'il sait qu'un traumatisme s'accroche brutalement et lentement à moi ? Il s'en doute sûrement, mais que peut-il y faire après tout, ne serait-ce que de faire semblant.
Arrivée dans la cuisine, je m'approche du robinet, saisis un verre dans l'étagère au-dessus, et le remplis d'eau que je bois d'une traite.
_ Tu m'as fait peur ! murmure une voix derrière moi.
Je me retourne en sursaut, et tombe nez-à-nez avec mon oncle. Bon sang, il m'a fait peur aussi!
_ Tu as dîné ? soupire-t-il en ouvrant le frigo pour récupérer des œufs, après avoir allumé la lumière que j'avais laissé éteinte.
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PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]
ActionSuite au décès précoce de son père, Sofía s'envole pour le Brésil rejoindre son oncle qu'elle n'a jamais vu avant. Et alors qu'elle pensait s'installer à Rio de Janeiro dont le paysage est festif, la réalité est tout autre lorsqu'elle apprend que so...