Chapitre 29

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En ouvrant discrètement la porte d'entrée, je suis accueillie par l'obscurité la plus totale. Ce qui ne m'étonne pas, vu l'heure qu'il est. C'est-à-dire minuit passé. Mon oncle doit sûrement en train de dormir d'ailleurs.

Je referme doucement derrière moi pour éviter de le réveiller, et pousse un long soupir en commençant à retirer lentement mes chaussures. J'ai bien cru que je ne rentrerai jamais chez moi ce soir. Non seulement j'ai flippé comme pas possible durant le trajet, mais en plus je me suis trompé de chemin au moins trois fois.

En baillant à m'en décrocher la mâchoire, je continue pieds nus jusqu'à ma chambre. Je suis tellement fatiguée que je ne prends même pas la peine d'allumer la lumière et enlève directement ma robe en la passant par-dessus ma tête pour la jeter au pied de mon lit en soufflant.

Les aboiements de chiens qui viennent de quelques rues plus loin emplissent ma chambre pendant que je cherche à tâtons mon pyjama. Je le retrouve soigneusement caché sous mon oreiller. Il me faut deux secondes pour l'enfiler, tant je suis pressée de m'allonger et de dormir. Quand je me glisse enfin sous le fin drap, je pousse un long soupir de soulagement, ravie de pouvoir détendre mes muscles au fond du matelas après être restée debout pendant des heures à côté d'Ángel.

En fermant les yeux, je le revois à ce baile funk, en train d'enchaîner les cigarettes en observant la fête avec la plus grande des indifférences. Ça ne l'intéressait même pas d'être là-bas. Je ne vois pas pourquoi il m'y emmenée et m'a forcée à y rester aussi tard.

Enfin bon, ça ne fait rien, tout ce que je retiens de cette soirée, c'est que les trafiquants, dans leur folie, ont tiré des coups de feu en l'air pour s'amuser. Complètement fous. Ils ne réalisent pas qu'une balle aurait pu toucher quelqu'un par accident.

Et puis une pensée me vient à l'esprit, celle où je réalise que je passe mes journées au sein d'un cartel de drogue et que je côtoie le Chefe lui-même. Je suis dans une situation étrange et insupportable, où je ne peux jamais dire "non". Je dois simplement suivre le courant en espérant que la vague ne m'emporte pas trop loin.

Certes, il ne me demande pas grand-chose, juste de faire des pochons de drogue pour lui, mais pour moi, c'est comme franchir les plus grandes limites. J'ai l'impression que plus le temps passe, plus les portes de sortie se referment derrière moi.

Et puis, j'ai remarqué aussi qu'Ángel ne fait rien. Je dis pas que j'aimerais qu'il tue ou torture des gens, mais je pensais qu'il aurait un rôle plus important dans tout ça. Mais non, il ne fait rien. Il ne tue pas. Ne torture pas, ne prépare même pas la drogue. En fait, il fait un très mauvais chefe. Enfin, je veux dire par-là, qu'il donne des ordres et laisse les autres tout faire à sa place, mais lui ne s'encombre d'aucune responsabilité.

C'est peut-être de la fainéantise?

Je sais pas. Mais finalement, je me dis que vu qu'il ne fait rien, alors le cartel n'a pas besoin de lui. Le monde non plus n'a pas besoin de lui. Moi la première, j'ai pas besoin de lui. D'ailleurs, je n'ai plus vraiment peur de lui, en fait, je le trouve juste intimidant maintenant, mais c'est tout. Et je suis sûre que si les gens arrêtaient d'avoir peur de lui, il serait plus facile de vivre dans la favéla. Parce que c'est grâce à la peur que le Chefe est Chefe.

Enfin, je crois.

Je me demande comment il a fait pour devenir le chefe en fait. Comment a-t-il fait pour se mettre autant de gens dans la poche ? Je sais pas, et je suis même pas sûre de vouloir le savoir. Et c'est avec cette dernière pensée que je m'endors, espérant que mes rêves soient plus doux que la réalité qui m'attend au réveil.

***

J'enfile un tee-shirt gris tout simple qui tombe au-dessus de mon short en jean, puis à l'aide de mes mains, je libère mes cheveux humides du col en lançant un regard au miroir fissuré devant moi. Mes joues sont légèrement rouges et mes yeux sont encore gonflés par le sommeil, à croire que ma petite douche n'a servi à rien.

PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant