Il est onze heures lorsque j'arrive au quartier général, le soleil est maintenant bien haut dans le ciel et ses rayons tapent sur mes épaules dénudées. La chaleur qu'il fait aujourd'hui ne fait qu'ajouter une couche supplémentaire à mon angoisse. J'ai les mains moites, et la peau qui colle, tandis que mon ventre est noué depuis que je suis sortie de chez moi. J'ai pas eu d'autres choix que de venir, il me fait peur et ce qui me fait encore plus peur, c'est ce qu'il pourrait me faire si je lui refuse quelque chose. Je sais de quoi il est capable, je l'ai déjà vu à l'œuvre plusieurs fois, et j'en ai même payé les frais. Voilà pourquoi je suis là actuellement, pour éviter de finir comme une de ses victimes.
Je me mets sur le côté de l'entrée pour laisser un trafiquant sortir en tenant un vieux sac à dos à la main, mais il s'arrête soudainement en me voyant.
_ O que você quer? (Qu'est-ce que tu veux?)
_ hein? Fais-je, surprise de l'entendre s'adresser à moi.
_ larga. Ela está com o chefe. Prononce une autre voix masculine. (Laisse. Elle est au Chef.)
L'homme hoche la tête, et continue son chemin en détournant le regard. Je tourne les yeux sur l'homme au gros ventre qui est assis sur un vieux banc de fortune, juste à côté de l'entrée du quartier général. Torse nu et en short, il fume un joint en me fixant les yeux plissés, un talkie-walkie dans l'autre main et une mitraillette entre les jambes.
_ je...merci. Bafouillé-je maladroitement avant d'entrer rapidement à l'intérieur en gardant la tête baissée vers le sol.
J'expire fébrilement mon souffle une fois dedans, ressentant la légère pression que je sentais en moi ces dix dernières secondes retomber un peu. Il y a toujours cette même odeur désagréable ici, qui me dissuade presque instantanément de reprendre une inspiration pour canaliser mon stress. Un mélange répugnant de sueur, et de ce que les trafiquants fument, ça me fait immédiatement retrousser le nez alors que je m'avance à contrecœur et très lentement vers l'escalier au fond de la pièce.
Arrivée devant les marches, je ralentis puis me paralyse en me mordillant la joue intérieurement, mes doigts se mettent à triturer nerveusement le tissu en popeline de ma robe kaki qui m'arrive mi-cuisses, hésitante à monter là-haut.
Je sens les regards des trafiquants sur moi, pendant qu'ils s'affairent à préparer les paquets de drogue. Leurs voix me stressent encore plus. Mes battements de cœur se font plus rapides, je fixe les marches durant quelques secondes encore, avant de reculer d'un pas. Je peux pas faire ça, en fait je n'ai pas le courage. Je sais même pas pourquoi je suis venue. J'aurais dû trouver une excuse, quelque chose, je sais pas, comme feindre être malade. N'importe quoi, mais venir ici est une terrible erreur!
Les bruits des hommes derrière moi ont l'air de subitement s'amplifier dans mes oreilles, étouffant toutes mes pensées. Je n'arrive plus à réfléchir correctement, je ne fais que reculer davantage sans quitter l'escalier du regard...il faut que je parte de là.
J'ai une chance. Si je pars maintenant, alors je n'aurais pas à...
Soudain, une main ferme agrippe violemment ma nuque, me faisant grimacer de douleur, et je réalise que toutes mes chances viennent de s'envoler.
_Tu voulais fuir une énième fois?
Reconnaissant la voix rauque et grave du chefe, je secoue timidement la tête alors qu'il fait une pression sur ma nuque pour m'inciter à monter, ce que je ne tarde pas à faire.
On arrive dans son bureau et il me lâche pour fermer la porte avant d'aller vers sa table couvertes de drogue en tout genre. Je ne bouge pas d'un poil, aucune envie qu'il prenne un de mes gestes pour de la provocation et qu'il me tue sur place.
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PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]
ActionSuite au décès précoce de son père, Sofía s'envole pour le Brésil rejoindre son oncle qu'elle n'a jamais vu avant. Et alors qu'elle pensait s'installer à Rio de Janeiro dont le paysage est festif, la réalité est tout autre lorsqu'elle apprend que so...