Chapitre 129

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Sofía


Derrière la fenêtre, mon regard s'attarde sur le soleil perçant la brume pour mieux plonger au-dessus de nous, dans une belle verticale orange, qu'un dernier brouillard étale à gros traits. Saignée ocre, de nouveau, mais j'aimerai que ce soit la cicatrice plutôt que la blessure, et que dès demain on retrouve la santé bleue de l'existence. Peut-être est-ce une autopunition que de réclamer ceci néanmoins, ma destinée semble perpétuellement funambule de convalescence. Alors, mon âme s'accorde à mes jours. Ce n'est pas une infamie mais plutôt une sentence réaliste. La préparation d'une défense émotionnelle est tellement coûteuse que, échafaudée ou escamotée, la termination constitue en soi une cuisante punition. Être résolue à subir un ébranlement ne suffit pas à éclipser le bouleversement de ce qui m'attend.

Nous sommes à Rio De Janeiro. La favéla me menace d'écraser mon cœur sous un lourd poids de culpabilité inconsolable. Mes battements cardiaques de lypémanie s'accentue chaque seconde pour amplifier mon hémicrânie. Une atroce céphalée qui me sanctionne pour mon imprudence d'avoir vidé une bouteille d'alcool. L'impression qu'un poignard en feu est planté dans ma tempe et mon œil veut sortir de son orbite. Cependant, ma migraine n'est que poussière face à mon chagrin endeuillée. Retourner à Jacarezinho m'emplis d'asthénie étant donné que mon oncle est mort en partie à cause de moi.

Quand mon oncle est mort, je me suis aperçu que ce n'était pas lui que je pleurais, mais les choses qu'il faisait. J'ai pleuré parce qu'il ne les referait jamais. Je pleure parce que je veux qu'il les refasse. Ces petits souvenirs sont des pierres dans ma poche, qui m'alourdissent. Ils rappellent mon chagrin et mon coeur qui se serre. Ces moments ont existé. Ce bonheur qui a été vécu, rien ne peut faire qu'il ne l'ait pas été. Même la mort. La mort ne balaie rien. Le chagrin peut tout brouiller. Un temps. Comme à chaque fois que l'on est séparé de ceux qu'on aime. On peut vivre avec le chagrin s'il ne s'accompagne pas de regret. Mais les regrets sont là, niché un peu partout en moi et dévorant chaque parcelle de mon être pour me torturer de mon égoïsme. Ma venu au Brésil n'a récolté que malheur sur douleur, c'est accablant à en maudire ma naissance.

Lentement, je baisse la vitre en passant une main sur ma nuque suante à cause de mes cheveux. En contraste avec New-York, ici au Brésil, il fais beau. Le dôme est ensoleillé, l'astre solaire est à son zénith et ne manque pas d'abattre ses rayons brûlant sur nous. La route est prenante par un paysage désertique, pas un seul arbre, seulement un sol sableux qui entoure l'interminable route en goudron légèrement beige. Malheureusement, je n'ai qu'un pull sur moi, et le vent caniculaire qui m'agresse de plein fouet par l'allure à laquelle roule la Jeep Gladiator, me fais transpirer davantage.

_ J'ai envie de parler.

Indifférent, Ángel se contente d'expirer un nuage grisâtre en ma direction.

Je le dévisage tristement puis croise mes doigts entre eux en me tournant vers la fenêtre afin de laisser mon regard se perdre sur le paysage qui défile. Égoïste, ça c'est l'unique défaut que je lui trouve. Ce point là, englobe tout son caractère insensible à ce qui l'entoure. Cela même, m'énerve autant que me blesse car si les rôles étaient inversés, Dieu seul sait à quel point j'aurais retourné ciel et terre pour trouver un remède, une oreille ou un haut-parleur pour être certaine de pouvoir entendre et apaiser ses tourments. Actuellement, je réalise que j'aurais mieux fait de m'économiser en sentiments, de ne pas m'investir autant, de garder mes distances. Mais comment résister face à son corps chaud contre mon coeur ou à son odeur de sueur fraîche et de tabac ? Est-ce vivre de se retenir de donner, de s'émouvoir, de pleurer. Son odeur est inégal, agissant comme morphine sur mon être. Un parfum d'ivresse neuves d'étreinte. Son corps est la propriété exclusive des maîtres, son coeur est glacé et son âme ne sait plus où vivre. Son existence rend culte au démons. Sa prestance est si dominante que l'atmosphère est sous son envoûtement. L'âge des ténèbres sûrement s'assimile à ses années passés sur terre. Pourtant, malgré tout les arguments qui me pousse à le haïr, je ne fais qu'écouter mon cœur qui aspire à l'aimer passionnément, déraisonnablement, éperdument. Un long moment de silence, me permet de réfléchir sur comment maîtriser ce chaos émotionnel en moi. Rien ne prédispose davantage à l'aspect pensif que l'absence totale de pensée. Mes pensées, elles, se perdent entre mes neurones, ne sachant où aller ni où rester. Un oxymoron dévastateur.

PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant