Chapitre 112

8.8K 309 373
                                    

Sofía

Le déshonneur m'accable moralement. L'effet flambant d'une possible félonie, me hante comme un spectre tenace qui ne semble pas vouloir me négliger. Cela dure. Cela est dure. Et ça n'a pas l'air de vouloir cesser. Ses lèvres pontifiant les miennes, sa déclaration et mon rejet. Ça se rejoue dans ma tête comme si je persistais à refaire vainement la même partie d'un jeux vidéo pour monter d'un niveau. C'est une tromperie ? Non. Car je ne suis rien pour Ángel. Cependant, j'ai l'impression de l'avoir trahis, mais je n'ai pas voulu de ce baiser. Pedro est mon ami. Rien de plus.

Potentiellement sa déclaration m'a mis mal à l'aise, ruinant tous les fondements de ma foi en une amitié sans ambigüité. Dans la galaxie de l'amitié homme-femme, je veux rester gentiment en orbite autour de l'astre "ami-ami". La culpabilité de le voir monter seul dans la fusée de l'amour et être percuté de plein fouet par l'astéroïde des sentiments à sens unique, m'érode viscéralement. Car, juste avant, il m'a raconté son histoire et bordel qu'est-ce que je me sens monstre de le rejeter.

Je m'arrête de faire les cents pas au milieu de la pièce, lorsque j'entends la porte s'ouvrir. Mon corps frissonne d'infamie honteuse et blâmable. Et je n'ose pas me retourner, et je ne sais pas si je dois avouer ma faute. Non je ne peux pas. On dit que faute avouée, faute à moitié pardonné. Mais ça mettra Pedro en danger et je ne peux pas me permettre de le rejeter, de le faire souffrir et de le mettre dans une situation délicate avec son frère d'une autre mère.

Voyant qu'il ne bouge pas alors je me retourne et le vois adossé à la porte. M'examinant impassible. Son acier me glace le sang, me gèle et fais monter la pression en moi. Est-ce qu'il est au courant ? Sinon, pourquoi il est ainsi ? Pourquoi me jauge-t-il aussi intensément et pourtant avec imperturbabilité ?

Et je m'avance vers lui. Et il se redresse sans jamais quitter mes yeux. Et je me perd dans ce gris océanique, si vaste et si vide. Mes pas s'arrêtent à quelque centimètre, avec confusion de sa posture spartiate. Son expression est indéchiffrable, sa tête est baissée vers la mienne, pour continuer de me regarder dans les yeux puis il entrouvre les lèvres avant de les pincer comme s'il, n'osait pas mais qu'il devait dire quelque chose. C'est déconcertant et ça me rend anxieuse. Alors je l'interroge visuellement car je n'aime pas cet communication violente. Le mutisme.

_ ton oncle est mort. Annonce-t-il placidement. La triple alliance l'a tué.

Mon cœur, ne bat plus. Mon souffle, se coupe. Un dysfonctionnement intégral m'agresse. Elle me possède. Dans ce moment de souffrance intense, qu'elle soit physique ou psychique, je suis comme réduite à l'état de bête affolée, qui ne sais pas comment extérioriser.

Je suis un pur cri devant la détresse, souhaitant que cela finisse au plus tôt, quel que soit le moyen. Je souhaite même la mort, pour que s'apaise le tourment. Et mes yeux, s'humidifie. Mon organe vitale pompe à tout rompre et je juge son stoïcisme. Et le désespoir que cela soit vrai, me fais espérer que cela soit faux. Et j'ai mal. Atrocement mal. Hurler. Je veux hurler mais la force d'ouvrir la bouche, n'est pas là. Mon cœur, il se broie. Mon cœur, il se hache. Mon cœur, il s'annihile.

Ma main se lève, mon poing s'abat sur son torse. Sans brutalité. Avec le paroxysme de l'affliction profond. C'est léger, mon coup n'est que caresse. Mais je n'ai pas la force. Tout s'épuise en moi. Car je sais que Ángel ne ment pas. Mais c'est de sa faute. Et je n'ai plus personne. Et je veux pas y croire. Et mon oncle est mort. Je relève doucement mon poing, en sentant tout mon âme calciner d'accablement déchirant, et je tape une nouvelle fois sur son torse, espérant vainement qu'il me dise que c'est une blague. Qu'il ne reste pas indifférent. Et mon cœur pleure. Mes larmes montent follement. Et je grimace en pinçant mes lèvres, la vision floutée par les gouttes et j'abat de nouveau mon poing sur son torse. Il ne sourcille pas et je m'acharne de mes deux mains sur son torse. Sans brutalité. Avec lypémanie désespérée.

PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant