Ángel
Je ne ressens rien. Depuis que je suis gamin, je n'ai jamais ressenti la moindre émotion. Je sais pas ce qui bloque, ni à quel moment dans ma vie cette merde a lâché l'affaire, mais j'ai toujours fait avec.
À l'heure d'aujourd'hui, beaucoup cherchent pour moi des raisons, beaucoup croient qu'il y a forcément une explication. Ils creusent trop loin, mais trouvent que dalle à la fin. Car personne peut expliquer ce qu'il comprend pas, et personne comprendre ce qu'il peut pas expliquer. Faut qu'on soit d'accord sur ça. Les gens devraient faire comme moi, accepter que je ressente rien, et passer à autre chose.
Parce que ça a toujours été comme ça. Je me rappelle pas d'un temps, où j'ai ressenti autre chose que du vide. Parfois, la haine réussit à combler quelques trou, l'adrénaline en remplit d'autres, mais ceux qui restent continuent de se creuser plus profondément dans mon être.
Si je dois vous parler de mon enfance, je dirais qu'elle a mal tournée dès le début, j'ai très vite su à quoi m'attendre, quoi attendre de cette vie. Comme pleins d'autres à la favéla, les ennuis ont commencé tôt. Petits larcins, bagarres de rue, drogue dans les poches, je connaissais que le bruit du flingue et les cris des autres. Je me suis fait une place dans le cartel. Là où d'autres auraient vu une descente aux enfers, moi je n'ai rien vu de particulier. C'était simplement ce qu'il fallait faire.
J'ai toujours fait ce qu'il y a de pire dans ce monde. Y'a que ça que je connaisse. Et les conséquences de mes actes? Elles me concernent pas. Les pleurs, la douleur, le désespoir des autres c'est que du vent pour moi. Certains pensent que c'est de passage, que j'essaie de me convaincre moi-même. Mais ils se trompent. Il n'y a rien à convaincre. Ce vide, cette absence d'émotions, c'est tout ce que je suis.
Personne me comprend, et c'est bien comme ça. De toute façon, si moi je pige que dalle, y'a pas moyens que les autres y voient plus clair. Je fais juste ce que j'ai envie de faire, ce que je dois faire, et point à la ligne.
J'écrase ma cigarette sur la table en remarquant un petit mouvement sur le canapé, et la fumée de ma dernière bouffée flotte encore dans l'air quand je jette un coup d'œil vers lui.
Moins de quinze minutes se sont écoulées depuis qu'elle m'a lancé ce regard qui oscillait entre choc et dégoût. Comme si en une seconde, elle avait réalisé que j'étais pire que ce qu'elle avait imaginé.
Et je n'ai pas l'intention de m'emmerder à la convaincre du contraire. Peu m'importe ce qu'elle peut penser de moi. Elle a compris qui je suis réellement, les raisons pour lesquelles les gens me craignent autant, et ça me va. Ça la gardera en vie, l'empêchera de faire les mêmes erreurs qui ont coûté la vie à d'autres. Si la vue d'une tête décapitée l'a traumatisée à ce point, elle n'est pas prête pour les cauchemars qui me collent à la peau.
Elle cligne des yeux et fait une petite grimace en se redressant lentement pour s'assoir sur le divan, l'air désorientée. Son regard parcourt ensuite la pièce avant de finalement se poser sur moi.
Je me balance nonchalamment sur ma chaise, accueillant son dégoût sans broncher. Parce que ce qu'elle me voue n'a pas la moindre importance à mes yeux.
_ bien dormi cariño ?
Ses yeux, teintés d'une nuance miel, s'emplissent de larmes alors qu'elle se lève sur ses jambes, bouleversée.
_ TU MÉRITES LA MÊME MORT QUE T'INFLIGE AU AUTRES ! Hurle-t-elle en s'agitant. COMMENT TU PEUX..comment tu peux être si tranquille alors que tu..Bon sang t'es pas humain c'est pas possible ! T'ose me demander si j'ai bien dormis ? S'écrit-Elle indigné
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PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]
AcciónSuite au décès précoce de son père, Sofía s'envole pour le Brésil rejoindre son oncle qu'elle n'a jamais vu avant. Et alors qu'elle pensait s'installer à Rio de Janeiro dont le paysage est festif, la réalité est tout autre lorsqu'elle apprend que so...