Chapitre 132

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ÁNGEL

Dans le doute, ne pas s'abstenir. Porter la voix en altitude, la voix au-dessus de soi, comme un tourment qui cogne. Dans l'absence, marquer le cri aphone au fer rouge. C'est à bout de silence que l'intellect rugit, presque une fierté à avouer ce qui est dans les mots, car le bruit se perd dans le mutisme entendu. Dans l'apathique sang-froid, l'argent se fais entendre bien plus qu'il ne se fais sentir, car mieux on dissimules les pensées et moins on prend le risque de se faire décoder et trouver les déficiences personnelles. Dans la soif d'estime, manœuvrer correctement les exigences. Rester focalisé sur nos arrières-pensées car c'est toujours notre intime intérieur qui sait gérer et analyser chaque détail. Dans les situations comme celle-là, il faut constamment rester à l'affût de l'adversaire en face, car la trahison est aussi présente qu'un souffle de leur part.

Alors j'observe attentivement chaque élément de cette pièce. Lumière tamisée dans les tons rouge, aucune fenêtre mais un miroir qui prend tout le plafond. Papier peint qui recouvre les murs, aussi rouge que les canapés d'angles arrondis en velours qui prennent toute la longueur des murs. Moquette en velours noir, surplombée d'une table basse rectangulaire en verre, où sont disposés une dizaine de bougies allumés et de trois bouteilles d'alcool ; Hennessy, Chivas Regal et Belvedere. Dans le coin d'un mur, non-loin de la porte, se trouve une petite table arrondie où un platine vinyle vintage fais couler une légère bande de son en fond, une connerie des années 90.

La porte s'ouvre soudainement, me faisant arquer un sourcil face à l'attente que ce cão m'a fais subir. Il inspire une bouffée d'oxygène en me voyant, l'air presque essoufflé avant qu'il ne boutonne un bouton de sa veste de costume bleu nuit. Il hausse ses deux sourcils en refermant la porte puis s'oriente vers le platine vinyle.

_ Hunky Dory de David Bowie. Ça te vas ?

Voyant aucune réaction de ma part, il me jette un coup d'œil par-dessus son épaule avant de lancer le son. Rapidement, la musique vintage enveloppe faiblement la pièce avant qu'il ne vienne s'assoir sur le canapé, en face de moi, de l'autre côté de la table basse. Il a l'allure d'un tocard au bord de la retraite depuis toujours. La veste ouverte sur un torse large et un ventre épais. Une gueule surtout. Des cheveux gris mi-longs, raides, tirés à l'arrière jusqu'au bas du cou, libérant un grand front plissées de rides

_ Monsieur Ferraz. Sourit-il en attrapant la bouteille de cognac. Un petit verre pour fêter notre rencontre ?

Mes sourcils se plissent abruptement à l'entente de mon nom de famille. C'est un nom que je n'ai pas entendu depuis des années et que je ne veux pas attendre durant les prochaines années. Un lien étroit entre le passé et le présent m'empêche de porter ce nom avec fierté. Putain, une irritation âpre s'infiltre dans mon organisme et m'accable d'une haine intense. Ce nom est lourdement chargé d'un passé qui me ronge de plus en plus férocement avec le temp, comme la pluie qui bruine et s'infiltre sous les vêtements les plus épais. Ouais. Ce nom de famille doit grever dans l'anonymat. Et ce fils de pute doit crever pour avoir osé prononcer ce nom, et ce fils de pute crèvera pour avoir osé prononcer ce nom.

_ Ángel. Le corrigé-je sèchement.

_ Très bien. De toute manière, les blazes se composent souvent par choix personnel dans le monde du crime. Les surnoms sont attribués par les ennemis..et nous ne sommes pas ennemis.

Il relève son regard vers moi en versant deux verres de cognac.

_ Je ne t'ai même pas demandé si tu avais des préférences entre cognac, vodka et..-

PRATA O PLOMO T.1 & 2 [ En cours d'édition chez AMZ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant