Iolass

285 30 1
                                    

La douleur est si intense que je ne la soutiens pas. Je perds connaissance. Lorsqu'enfin la vie me revient, la fraîcheur de la nuit a envahi ce qui me semble être une prison. La souffrance est partout. Ma tête m'arrache des lambeaux d'esprit plus que les lendemains de fête dans les troisièmes remparts. Mon bras gauche surtout me lance horriblement. Je rassemble mes souvenirs. Le fouet d'Alia ne peut m'avoir fait de tels dégâts. Je devine au toucher un bandage que je compte déchirer quand j'entends :

_ Je serais vous, j'éviterais.

J'essaie de me redresser sur mon lit sans succès. L'homme vient à mon secours. Trop aimable pour un geôlier. Ma vue devient plus nette et j'accepte l'eau fraîche qu'il me sert. De belle taille, la peau brune, le visage anguleux et le nez aquilin, son origine ne fait aucun doute : hyksos. Par Poséidon, où suis-je ? Les Amazones m'ont-elles vendu à nos pires ennemis.

_ Vous n'avez pas autant de valeur, rit-il. Je m'appelle Baal mais je suis bien hyksos.

_ Où suis-je ?

_ Dans l'andréion.

_ Dans l'andréion ? Ce n'est pas possible !

Il m'empêche de m'arracher ce bandage mais trop tard, j'ai compris. La marque de Méphistès me revient en mémoire. Ce lieu est bien une prison. J'appartiens désormais à la reine des Amazones. Cette idée me fait horreur.

_ Ce n'est pas tout à fait exact, rectifie Baal. Votre marque n'est pas celle de la reine. Vous n'étiez pas sa prise. Elle ne pouvait rien pour vous.

_ Qui ?

_ Il semble que votre père ait bien plaidé votre cause.

_ Je ne comprends pas.

_ La princesse Alia.

Alia ? Pourquoi aurait-elle fait cela ? Mon père a fait de moi son esclave ? Le poison m'embrouille l'esprit. Je suis incapable de mettre du sens à tout cela. Peu m'importe en vérité. Je ne resterai pas longtemps. Déjà des plans d'évasion s'échafaudent dans ma tête. Mais Baal est surpris que la jeune princesse se soit laissée apitoyer.

_ Pourquoi ?

_ C'est une ombre solitaire, sans vie. Dans la forêt, même Isoha ne la repère pas. Elle est comme morte, invisible aux humains. On raconte ici qu'elle n'a pas d'âme.

Tout est dit. Je frappe violemment le mur de mon bras valide. Ainsi me voilà esclave d'une gamine trop maligne de seize ans. Si je tenais Méphistès entre mes mains, je l'aurais volontiers étranglé. Ce geste d'énervement, mon flot de qualificatifs aimables à l'égard du pirate laissent mon compagnon perplexe. À sa connaissance, Méphistès n'a fait qu'obéir à sa mère. La Reine ? La reine est la mère de ce brigand. Mais quel lien entre la reine et ce piège si grossièrement tissé.

_ Une chose est sûre, ajoute Baal songeur, Alia est sortie du temple. La reine ne savait plus comment l'y obliger.

Ma vie contre sa sortie du temple. C'est absurde ! Ma colère ne fait que redoubler. Jamais, jamais je ne resterai entre ces murs. Elles peuvent rêver.

_ L'affrontement entre les deux sœurs va pouvoir commencer. Chacune devra prouver qu'elle peut prétendre au trône. Hippolyte est loin d'être satisfaite.

Ma tête n'en supporte pas davantage. J'ai été un jouet dans une guerre stérile de succession. Je sombre à nouveau dans le sommeil, certain que des vérités m'échappent. 

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant