Alia

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« Le rouquin » grommèle Iolass dents serrées mais il est inutile de le préciser. Le général Oloros s'enferme dans un mutisme désabusé, laissant la parole à qui voudra la prendre. Cependant nul n'ose. Personnellement je comprends mal la présence d'un atlante entre nos murs. Je tâche donc d'y mettre les formes :

_ N'y voyez aucune malice de ma part, ni même une désapprobation mais revenant de loin, le conseil déjà réuni, je m'interroge sur votre présence ou celle de Démétrius.

Le vieil homme à l'autre bout du cercle me sourit avec bienveillance.

_ La neige a libéré les cols. Je suis venu m'assurer que vous aviez tenu votre promesse. C'est chose faite. Au-delà de mes espérances ou, devrais-je dire, de mes craintes. Car si les Hyksos préparent une armée considérable, tout est à craindre. S'ils ne s'attaquent plus qu'aux comptoirs extérieurs des atlantes, si les Minoens reviennent dans la partie, nous sommes en droit de nous interroger.

_ Comment cela ?

_ Que cherchent-ils ? finit Démétrius.

Cette question-là, je la redoute. Il était évident qu'elle surgirait tôt ou tard. Mais je suis la seule à pouvoir y répondre. Du moins, le pensè-je.

_ Nous le savons tous, intervient Hippolyte.

Je tressaille. Mon expression trahit mon désarroi. Je préfère autant que ma chère sœur ne s'en mêle pas.

_ Mère, vous, comme moi, savez parfaitement ce qu'ils veulent. Nous l'avons toujours su. Alia ne peut l'ignorer, pas plus que le prince Iolass ou son roi. Car trêve de faux semblant, Oloros, c'est pour cela que vous êtes là.

_ Je vous assure l'ignorer, se défend le général mal à l'aise d'être ainsi mis en porte à faux.

_ La part du roi... comme pour moi-même.

_ Alia ? s'étonne ma mère.

_ La clef de l'Atlantide est la part du roi, répétè-je plus fort, consciente de la réaction que Iolass ne manque pas d'avoir.

_ Ils savaient ?

_ Qui savaient ? jubile mon aînée.

Chacun dans le cercle attend mon récit, Tirésias horrifié, Méphistès impatient, Isoha inquiète. Mais je ne sais que leur dire aussi Iolass s'en charge, m'épargnant le mieux possible. La colère de la reine ne se fait guère attendre.

_ Votre manque de prudence est inacceptable. À tous les deux ! Iolass, la guerre ne vous est pas étrangère, je vous en tiens personnellement responsable.

_ Mère, il m'a sauvée, c'est injuste.

Mais mon amant encaisse les reproches avec une culpabilité partagée. Je ne supporte pas qu'elle s'en prenne à lui. Je suis la seule responsable. C'est moi qui ai manqué de vigilance. C'est moi qui ai surestimé mes forces, une fois de plus. Iolass n'y est pour rien. Sans lui...

_ C'est pour cela que nous en resterons là. Général Oloros, expliquez à votre prince les raisons de votre présence.

_ Le parti hégémonique prend de plus en plus d'ascendance sur l'Atlantide, à un point que certains officiers, dont beaucoup de vos amis, se voient rétrograder parfois jusqu'au quatrième cercle.

_ Mon père ne saurait l'accepter !

_ Sa majesté n'est plus le même depuis quelques mois. Les Minoens ont envoyé une ambassade de paix. Votre père l'a reçue. Il s'est passionné pour un homme, Xantos, un savant, fort instruit dont la fille, sublime, a conquis le cœur de votre frère Jason. Ils demeurent désormais au sixième cercle mais font la pluie et le beau temps à la cour. Vous allez être bientôt déclaré mort et votre frère légitime héritier.

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant