Iolass

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Sa voix semble surgir d'un autre monde. Son atlante est divin. Je n'imagine même pas qu'elle puisse prononcer parfaitement les mots sacrés du septième cercle. La langue des rois !

_ La cité blanche se teinte des couleurs du crépuscule. Son ambition a dévoyé le savoir des dieux. Du septième rempart, l'éclair de Zeus libérera le chant des Sirènes. Dix nuits durant, il plongera le monde dans les Ténèbres et les hommes oublieront jusqu'à son nom !

Elle s'effondre. Cela s'est passé si vite. Que s'est-il passé d'ailleurs ? Elle git là entre mes bras plus morte que vive. Ses yeux se sont assombris. Une voix étrangère a envahi sa bouche. À présent sa peau glacée m'effraie au plus haut point. Son souffle fuit ténu, sa respiration décline, les battements de son cœur faiblissent. C'est stupide mais mes lèvres se posent sur les siennes d'instinct. Qu'espèrè-je ? La retenir. Un cri de rage résonne à travers nous. Je ne la lâche pas. C'est ailleurs, un autre cri, une autre voix presqu'outre-tombe. N'importe quoi ! Je deviens fou. Pourtant dans un silence absolu, ses lèvres semblent se réchauffer. Son être ne fait plus qu'un, à nouveau.

Il ne m'en faut pas plus pour me décider. Je l'emporte dans sa chambre et la dépose près des flammes. Son corps à nouveau ne pèse pas ce qu'il doit. À nouveau ce n'est une coquille vide. Ses loups se tiennent en retrait, gémissant. Je n'ai pas le temps de me questionner. Le lien avec leur maîtresse est plus fort que je ne le pensais. Ils sentent qu'elle quitte cette vie sans même se battre. Psyché ferme les ouvertures par les lourdes tentures puis vient raviver l'âtre. Quand elle comprend ce que je veux faire, elle me saisit vivement le poignet.

_ Il faut la ramener, la réchauffer. Un atlante peut le faire. Tirésias sait cela.

Mais elle ne me lâche pas.

_ Je ne lui ferai rien de plus. Rien de mal.

Elle me bouscule un peu. Ma décision ne lui plait pas mais elle ne lutte pas. Elle déshabille la princesse avec le plus de décence possible. J'ôte ma tunique pour ne garder que mes braies. Je me couche au plus près du foyer, entourant Alia de toute la vie de mon corps. Si je me concentre, peut-être pourrai-je me fondre en elle, fluide contre fluide, vie contre vie. J'ignore si, avec une amazone, cela marchera. Après tout, son corps est fait d'eau lui aussi. Nous parvenons en combat à retirer ainsi la vie de nos ennemis. Pourquoi ne pourrais-je pas lui insuffler ? Je dois au moins le tenter.

Elle frémit. Son sang coule au ralenti, saisi par un froid inhumain. Peu à peu je relance sa course, doucement, tout doucement. Peu à peu, la tiédeur retrouve son corps, elle se colore. Les battements de son cœur quittent leur rythme assoupi. Elle revient. Je gagne la partie. Épuisés, nous nous cédons au sommeil.

Au petit matin, la lumière blême de l'hiver m'éveille. Apaisée, Alia profite de ce repos inattendu. Elle est sublime. Sa peau a retrouvé sa teinte délicatement cuivrée. Ses cheveux épars entourent son visage dans une douceur inconnue. Endormie, elle se pelotonne comme une enfant dans les épaisseurs fourrées. Je voudrais céder à des élans de tendresse mais des pas ne cessent de s'agiter dans l'antichambre. Leurs sons martelés me tapent sur les nerfs. Intrigué, je l'abandonne sous les couvertures. Ce visiteur matinal semble perdre patience. Torse nu, j'apparais dans l'autre pièce. Larchos ?

_ Il est temps que vous rentriez, m'ordonne-t-il.

Il ne s'agit pas de discuter. Je jette un regard furtif vers ma protégée puis rejoins, docile ma cellule.

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant