Alia

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Voilà qui est fait. Iolass aux mains de Méphistès, je n'ai plus qu'à mener à bien mon autre mission. Elle est décevante. Les négociations commerciales sont d'une facilité affligeante. Les Hyksos sont conciliants en tout, presque obséquieux. Je ne peux toutefois approcher leur navire, encore moins leurs médecins ou le roi.

Je gravis les remparts et observe du haut des créneaux. L'attente est un art pour le chasseur mais la dissimulation est la maîtrise du chassé. Je n'en tire rien. Pourtant je ne rendrai pas les armes. J'ai quelques projets et je suis bien décidée à les exécuter. Le poison du roi m'obsède et il est là tout près, trop près pour que je ne tente rien. Seule, j'ai les coudées franches. Je quitte mon poste d'observation, monte sur le premier cheval venu pour me diriger en toute hâte vers le temple d'Artémis. La Grande Prêtresse comprendra, j'en suis sûre... Elle m'aidera.

M'ayant identifiée de loin, les vigies font ouvrir les portes de l'enceinte. J'abandonne ma monture à la première vierge disponible. Mais mon arrivée n'est pas passée inaperçue. Bientôt une nuée de petites filles, de jeunes vierges m'assaillent de questions. À ma grande surprise, les Hyksos ne les inquiètent guère. Elles veulent juste savoir si mon retour est définitif. Je suis déconcertée. Un son trop connu martèle le sol. Canne à la main, Isoha vient de paraître. Bien qu'elle ne prononce aucun mot, l'essaim se dissipe aussitôt. Sévère, elle me déchiffre d'un seul regard.

_ Tu as donc besoin de quelque chose, me reproche-t-elle.

Son animosité me surprend. En quoi l'ai-je mérité ? N'est-ce pas elle qui a voulu que je quitte le temple ?

_ Je t'ai conseillé de ne pas te renier, non de d'étourdir dans de puériles futilités.

Elle n'a pas besoin d'en ajouter davantage. Ma conduite lui déplait. Je n'ai pensé qu'à moi, enfermée nuit et jour dans mon laboratoire, sans vraiment songer au bien commun. Quant à ma froideur envers Iolass, il est certain qu'elle la désapprouve. Elle juge cela indigne de l'élève que j'étais. Je devrais mieux juger les hommes. Je repars à la conquête de sa bienveillance :

_ J'ai trouvé le poison hyksos.

Elle se radoucit un peu puis, d'un ton tout professoral, elle me demande si je l'ai testé.

_ Sur les rats seulement.

_ Cela ne suffit pas.

Je sais. C'est la raison de ma visite. Je ne peux me résoudre à sacrifier une vie pour une hypothétique mixture. Ma mort n'est rien mais tuer gratuitement me répugne. Je ne suis pas Hippolyte. Patiente, Isoha m'écoute :

_ Il y aura ce soir le banquet funèbre. Le roi ne devrait pas laisser beaucoup de gardes près de ses navires.

_ Comment le sais-tu ?

_ Sa suite est assez réduite et il est trop sûr de sa force.

Elle pèse avec bienveillance chaque étape de mon plan. Si je parviens à trouver sur la nef royale une pointe, voire l'arme elle-même, l'onguent peut-être, je pourrai vérifier, comparer. Isoha trouve naturellement qu'avec la copie ou l'originale, l'essai humain sera le seul valable. Mais elle n'insiste pas. Surprise que j'aie passé mes heures à la résolution de cette énigme, elle m'invite juste à offrir un sacrifice à notre déesse tutélaire. Je lui rappelle non sans insister qu'il me faudra une excuse valable pour quitter le banquet.

_ Elle le sera, fais-moi confiance. 

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant