Iolass

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Prévenue, les ordres d'Hippolyte ne se font pas attendre. Elle rassemble ses troupes avec une vitesse et une efficacité qui provoque mon admiration. L'entraînement rigoureux des guerrières, le concours de la population maintenue dans une estime militaire leur permet d'ouvrir les portes de la cité avant la fin du jour.

Nous partons donc vers le sud. D'après les informations que j'ai pu glaner, il nous faudra trois jours pour atteindre la frontière. La colonne marche nuit et jour, s'accordant de rares pauses, parfois dans des forts pour changer les chevaux. Deux troupes d'éclaireuses vont et viennent sur des montures rapides. Elles sont plus jeunes que le reste de la troupe, accompagnées de quelques loups. Je comprends qu'elles ne sont pas du temple d'Arès mais de celui d'Artémis. Lorsque je me suis présenté dans l'enceinte de la caserne, le murmure s'est échappé de leur groupe, puis de l'indignation voire une certaine agressivité. Je vois aujourd'hui qu'elles partagent les réticences de leur compagne et je ne doute pas qu'Alia a un rapport fort détaillé de ma participation à l'expédition. Ainsi Hippolyte se trouve-t-elle sous surveillance.

Pour l'heure, la guerrière ne fait pas grand cas de ma présence. Elle est à l'avant avec les cavalières. Casquées, cuirassées de cuir ou de bronze, leurs chevaux protégés, la cavalerie ne manque pas d'allure avec leurs longues lances acérées. Je remarque que rien ne distingue la stratège du reste de sa troupe d'élite. Pas d'armure plaquée d'or ou d'argent, pas de cheval de race, elle se fond complètement parmi ses compagnes. Stratégie, désir d'égalité, confraternité ? Derrière huit chars rapides sont tenus par les archères. Elles sont différentes des soldates, plus jeunes, plus fines, élancées, cheveux longs tressés dans le dos, vêtues de tunique sombre jusqu'à mi-cuisses. Elles paraissent presque plus frêles mais leur visage déterminé me donne à penser qu'elles scrutent la nature avec vigilance. Ainsi le temple d'Arès et celui d'Artémis ne sont pas aussi étrangers que je ne le pensais. Ainsi Alia fait participer des disciples de son ordre à l'expédition ! Mes marges de manœuvre n'en sont que moins larges. Épié, j'aurais plus de difficulté à pousser Hippolyte dans ses retranchements.

Ensuite vient un groupe hétéroclite d'hommes, armés chacun à leur manière. Silencieux, ils prennent un soin particulier à faire oublier leur présence. Je suis parmi eux, soucieux également de me fondre dans le paysage. Je suis surpris de partager l'aventure avec d'autres compagnons de l'andréion, des amants d'Hippolyte dont les guerriers blonds que j'ai affrontés récemment. Je crains une certaine hostilité mais leur calme, leur silence me fait comprendre que je suis loin d'être leur objectif principal.

Derrière nous, marche l'infanterie, très organisée : les archères à pied accompagnées d'une vingtaine de loups, puis l'infanterie légère et enfin une troupe étonnante et lourde de femmes cuirassées de la tête au pied, affublée dans le dos d'une épée impressionnante par sa taille et donc par son poids. Quelques chariots de logistiques ferment la marche. Une bonne cinquantaine de têtes en tout, l'effectif me paraît raisonnable pour une simple expédition de secours.

Le soir du deuxième jour, la stratège ordonne la montée du camp. Nous sommes à la frontière. La longue marche n'a semblé épuiser personne. Les guerrières bâtissent le camp avec une rapidité et une agilité impressionnante. Certes, atlante, je suis plus habitué aux combats navals mais je sais juger de la valeur d'une armée. Je suis ma foi soulagé que les Amazones soient nos alliées. Leur réputation est fondée. On n'entend pas les ordres. Elles sont liées les unes aux autres par des signes silencieux qu'elles exécutent avec une efficacité rare telles les abeilles d'une ruche, chacune sachant exactement ce qu'elle doit accomplir, membre indispensable d'un rouage parfait. Lorsque le ballet commence, un des trois guerriers du nord me tape amicalement sur l'épaule.

_ On se met à l'écart et on attend.

Voilà qu'il me sert de mentor à présent. J'en profite pour l'interroger :

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant