Iolass

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Les jours passent. Alia est enfin raisonnable. Les premiers temps, elle dort beaucoup. Nous avons convenu que je retournerai dans l'andréion malgré ce que cette absence nous en coûte. Un changement radical d'attitude aurait éveillé les soupçons de ceux que nous cherchons à démasquer. En revanche, je n'y dors plus. Elle a fait aménager une alcôve dans son appartement pour espérer rester proches raisonnablement. Baal, lui, couvre mes arrières. Quant aux gardes de l'andréion, j'en ai fait mon affaire.

En fouinant dans les entrailles des archives, j'ai découvert le plan du palais. Je redoute le nom écrit en bas : Dédale. Pour mon peuple, aucun nom ne semble plus funeste. Tout ce que je sais des temps anciens, des temps d'avant le déluge me reviennent en mémoire. Le cœur de l'Atlantide ! La guerre que les miens ont dû mener pour le préserver. La découverte terrible qu'il s'en est suivi pour nous. Le poids que nous portons désormais... Ce n'est que légendes, histoires ou contes. Mais elles prennent un tout autre sens aujourd'hui. Parfois Alia m'effraie malgré elle.

Toutefois je dois reconnaître que l'architecte a du génie et le goût permanent du secret. Le couloir de sortie officiel est doublé d'un plus inattendu. Comme pour le laboratoire d'Alia, l'entrée n'est pas aisée à trouver. Minutieusement dissimulé derrière un recoin délaissé, ce passage facilite considérablement mes mouvements. J'ai d'ailleurs remarqué que Larchos lui-même bénéficie d'un passage direct vers les appartements de la reine.

Pour le reste, je piétine. Au bout de quinze jours, je me décide à quitter les archives. Rien ne vaut les informations directes et, depuis la descente aux Enfers d'Alia, l'attitude d'un des membres de sa famille me taraude. Je n'ai pas osé me présenter à lui immédiatement, craignant que l'interdiction royale ne s'applique à moi. Je gravis sans encombre la colline vers le temple d'Apollon. Les paroles de la reine me reviennent en mémoire : il l'aurait tuée ! La confiance maternelle est plus que limitée.

Sous le perron, deux esclaves accueillent les visiteurs. Nul ne peut pénétrer en ces lieux sans être annoncé. Crâne rasé, vêtu d'une simple tunique courte, mon regard se pose sur leur poignet : deux bracelets de force gravés de la lyre et du soleil. Mais en dessous, sont-ils marqués ? Le jeune prince, lui, ne l'est pas. Il m'accueille avec un sourire avenant.

_ Que me vaut l'honneur de votre visite ?

Sa voix gracile me semble teintée d'ironie. Je veux le déstabiliser un peu.

_ On ne peut pas dire que vous vous soyez beaucoup inquiété pour votre sœur.

_ Vous l'avez fait pour moi, réplique-t-il avec gentillesse.

Et un point pour le prêtre, un ; je souris.

_ Je n'ai pas besoin d'être près d'elle pour savoir comment elle va : privilège gémellaire.

Et de deux ! À l'attaque !

_ Il semblerait que ce privilège ne soit plus exclusif, triomphè-je.

_ Il semblerait, oui, se résigne-t-il amer (un point pour l'atlante !). Mais vous n'êtes pas venu pour parler de ma conduite fraternelle, Iolass.

_ En effet, vous gérez l'approvisionnement des minerais et il semblerait qu'il y ait un soucis.

À son air innocent, je doute qu'il ait été mis au courant. Je lui résume les faits, les accusations de Démétrius, ma visite à Ignis. Certes j'omets quelques points importants : les visions d'Alia dont je ne peux garantir qu'il ne les ait pas partagées d'ailleurs, mon embuscade...

_ Voilà qui explique la nervosité de ma sœur, dit-il comme pour s'adresser à lui-même.

_ Alia ?

_ Non, Hippolyte.

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant