Déluge

Iolass

Son corps se raidit à l'annonce. L'espace d'un instant, je crois qu'elle ne réagira pas. Je vais me lever lorsqu'elle m'ordonne de rester sur place. Elle suit la garde. Toutefois je ne peux m'empêcher de trouver cela bien étrange. Alia a eu l'air préoccupée depuis la fin de l'après-midi ; quant à Cyrène, je l'ai trouvée suffisamment en forme pour m'envoyer balader. Tout ceci n'est sans doute qu'une stratégie. Non. Son regard paniqué, jeté au-dessus de son épaule, ne trahit aucune feinte. En outre, Tirésias semble trop fermé, trop anxieux pour songer à un calcul quelconque.

Un mot me sort de ma torpeur. Incrédule, je rattrape le cours de la conversation. Une tension certaine électrise la pièce. Le roi vient d'aborder un sujet hautement improbable : une alliance ni plus ni moins, entre les Hyksos et les Amazones. N'est-ce pas le terme caché sous le nom de mariage ?

_ La guerre que nous menons contre l'Atlantide est celle du droit, se permet-il alors que j'ai toutes les peines du monde à me contenir. En outre un mariage avec la plus jeune de vos filles règlerait pour vous tout souci de succession. Cela lui offrirait la vie sauve.

Hippolyte ne sourit pas. Mâchoire serrée, elle attend de sa mère l'autorisation d'intervenir. Mais, acide, je ne lui en laisse pas l'occasion :

_ Quel sera son rang ? Sixième, septième épouse ? À moins que vous n'en ayez déjà plus.

_ Les Amazones ne se marient pas ! interrompt la farouche guerrière dégoûtée.

La reine reste de marbre. Sa constance est ferme. Elle modère sa fille d'un regard bienveillant.

_ Vous ignorez tout de nous, Grand Roi, et l'ignorance peut une fois pardonner l'offense. Ce sujet n'est pas d'actualité. Oublions cela. Pour ce qui est de votre guerre avec l'Atlantide, nous vous avons accueillis comme nous l'avons fait pour les Atlantes. Ce sera toujours notre position. Votre querelle ne nous concerne pas. Elle est plus ancienne que ce royaume.

Le roi n'insiste pas. Il a compris qu'il est allé trop loin. Il retrouve un babillage de circonstance. Tirésias appelle de la main un serviteur du temple d'Apollon qui gratte les cordes de sa lyre et se met à chanter d'antiques exploits. La reine m'interpelle alors :

_ Prince Iolass, approchez.

Prince ? Ce n'est pas du goût de l'Hyksos. Un retour d'offense je suppose. Puis dans le plus parfait des atlantes, elle m'indique ses ordres. J'ignorais qu'elle connaissais notre langue. Je suis visiblement le seul à traduire ses volontés. La confiance règne ! Je ne discute pas bien que les craintes de la reine me paraissent plus qu'improbables. Je la salue respectueusement et me retire pour diriger ma course à l'endroit que la reine m'a indiqué. Attendre. Le reste de la nuit sera sûrement long et pour rien, en toute probabilité.