Alia

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Le frôlement d'Ilia me réveille. La frondaison est étrangement agitée cette nuit-là. Les aigles décrivent des cercles au-dessus des bosquets. Akra, nerveuse, pressée, s'apprête à bondir avec ses compagnons. Un intrus ! Dans notre cité ! Comment les gardiennes ont-elles pu le laisser passer ?

Ravie d'en découdre, je quitte mon lit pour revêtir ma tunique. J'ordonne à Ilia de m'indiquer la voie suivie par cet inconscient. Sûre qu'il s'agit d'un atlante, je compte bien lui faire payer l'affront de son prince. La direction ne fait aucun doute, l'importun se dirige vers le palais. Parfait ! Ce fou se jette droit dans nos bras. Je prends mon fouet et l'enduis, méticuleuse, de ma meilleure arme. Une seule morsure de cette lanière de cuir et c'en est fait de lui. J'appelle Cyrène et Psyché. En un clin d'œil, elles sont prêtes. Lorsque nous entendons le croc du filin heurter les croisées de bois, nous regagnons nos couches. Je rabats sur mon corps la couverture de laine et enfouis mon visage dans la fourrure d'Akra, couchée à mes côtés. Je ne perdrai rien du spectacle.

Pourtant lorsqu'il apparaît, mon cœur se met à cogner contre ma poitrine. La lune éclaire d'un aspect irréel, morcelé la pâleur de sa peau, chaque muscle saillit mais il paraît monter sans effort. Il a noué ses longs cheveux blonds, sculptant un peu plus son visage. Psyché a du mal à contenir son effroi. On dirait un spectre. J'aurais dû les prévenir. Ses yeux gris sous la lune fixent mon repos. Je retiens mon souffle. Iolass ! Comment ose-t-il ? Tétanisée, je ne parviens à prendre aucune décision. Je revois sans cesse le rêve de ma trahison, son cauchemar devrais-je dire. Que veut-il ? Il observe méthodiquement la pièce. Je crois un moment qu'il est là pour moi. Je me trompe. Il se détourne. Ce geste est une meurtrissure.

Il cherche quelque chose, s'approche de mes vêtements, non, de ma ceinture. Il fouille. Une boîte. Un vol ? Pourquoi ? Il part sans attendre. La lueur des lampes a éclairé le petit couvercle de bronze. La nature du vol est très claire quoiqu'incompréhensible. Inutile de s'affoler : les bois n'ont pas dévoilé tous leurs secrets à ce cher atlante. Je sais où le trouver. La forêt le surprendra. Que Cyrène aille prévenir les gardes mais qu'elles attendent ma marque pour intervenir ! Je m'enfonce dans la canopée, sautant, volant même de branche en branche, épousant la frondaison, plus animale que végétale, féline. Iolass est là, en bas. Gêné par les buissons, ralenti par son besoin d'invisibilité, il progresse moins vite, sûr de lui, inconscient du danger qui plane au-dessus de sa tête.

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant