Alia

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Il faut faire vite. Isoha m'a piégée. Comment a-t-elle osé ? Impensable. Pourtant. Cyrène tremble, emportée par la fièvre du poison que j'ai créé. L'horreur en pleine face. Ses yeux vitreux n'ont pu un instant se fixer sur moi. Elle délire. Elle part.

_ Étouffe ta colère, ordonne mon maître. Tu voulais une excuse valable. Tu l'as !

Isoha est satisfaite. Assurément. Elle a enfreint la règle que je m'étais fixée. Elle m'éprouve, encore ! Stupide ! Voilà ! Naïve, une vraie gamine ! Pourtant elle n'a pas tort. Elle n'est pas mon ennemie. Ce n'est pas contre elle que je dois enrager. Je m'en veux, à mort. C'est peut-être ce qui m'attend d'ailleurs si je ne recouvre pas mes esprits. Je chancèle, arrachant avec peine cette maudite robe qui m'encombre. Ma tenue de chasse ! Psyché ne réplique pas. Son regard bienveillant n'arrive pas à me réconforter. Au contraire, ma fureur souhaiterait qu'elle me hurle quel monstre je suis. Son silence compréhensif me tue.

Il y a urgence. Pas de temps pour mes états d'âme égoïstes. Isoha a raison. Le roi seul est l'ennemi. Je me suis fixée un but, elle m'offre l'occasion. Peu importe la manière. Prête, je libère Ilia. Nos regards échangés, mes mots murmurés dans ses plumes tachetées, il sait. Dans un frôlement plaintif, il gagne son poste. Déjà Akra saute sur la terrasse. Je vais à sa suite. Mon plan élaboré, j'espère juste le réaliser mécaniquement. Les arbres défilent à toute vitesse, mes mains habiles domptent les branches, sans que je ne m'en soucie vraiment. La forêt respire à présent à ma mesure. Je volète vers les remparts. Un détail me parvient alors, indéfinissable, subtil. Une odeur peut-être, inconnue... Pas vraiment, juste incongrue, comme déplacée. D'instinct, je me mets sur mes gardes. Akra ralentit pour se tapir dans la mousse. Je l'aperçois. Je ne suis même pas surprise, juste résignée. Il semble somnoler, debout, adossé contre le mur. Silencieuse, j'espère passer.

_ On joue la petite fille désobéissance.

_ Que faites-vous là ?

_ Il semble que ta mère n'ait pas une grande confiance en toi.

Je devrais m'énerver, m'agacer tout au moins. D'abord parce qu'il ne renonce pas au tutoiement qu'il m'a arraché en début de soirée, ensuite parce qu'il met le doigt sur un point sensible. La reine ! Il est clair à présent qu'elle a choisi son héritière : ce n'est pas moi.

_ Vous devez me ramener gentiment au bercail ?

_ Non, chuchote-t-il content, juste vérifier que tu ne fais pas de bêtise.

Alors là, je n'y comprends plus rien. La reine se doute de mes plans et ne les empêche pas. Est-il possible qu'elle les approuve ? Je repense à Cyrène et me mords les lèvres. Iolass reste perplexe. Cette attitude lui échappe. Tant mieux, je me vois mal lui expliquer. Je me résous à l'ignorer et tolère cet observateur imposé. Je poursuis mes plans. 

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant