Alia

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Depuis mon retour, je veille ma mère nuit et jour. Son état s'affaiblit d'heure en heure. Un mal long et insidieux s'est logé en elle depuis presqu'un an. Isoha l'a combattu, a cru le vaincre parfois, mais aujourd'hui il emporte ma mère, notre reine, mes espoirs. Elle a encore de longs moments de lucidité. Elle s'inquiète. La tournure des événements, l'absence de nouvelles d'Alcantara l'accroche à la vie pour mieux la tourmenter. Même le renfort en armes égyptiennes, arrivé avant nous, ne parvient pas à l'apaiser. J'ai organisé la distribution de nos défenses dans la cité et sur le territoire. Larchos m'a été d'une aide précieuse. Son absence au conseil ne peut l'incriminer. Je n'arrive pas à douter de lui et j'ai décidé de faire confiance à mes instincts. Je romps ses arrêts et m'appuie sur son sens inné de l'organisation et l'administration de l'andréion.

Il reste souvent des heures dans l'appartement royal, en retrait. Il va mourir, lui aussi, immolé sur le bûcher de la reine. Il le sait mais ne semble pas effrayé. Il est d'une telle dignité, veillant jalousement au bien être de, c'est trop visible, celle qu'il aime. Lorsqu'ils s'accordent de rares moments tous deux, ils semblent sereins, habitués depuis longtemps à l'idée de n'être jamais séparés.

Hippolyte n'est toujours pas de retour. Cela finit par m'angoisser. Mes rares moments de sommeil sont peuplés de cauchemars. Je m'épuise à vouloir les éviter. J'en ai assez de voir sans cesse le regard frustré d'Oloros posé sur moi, assez d'ignorer l'identité de ce mort sous son drap blanc. Je crains pour Iolass mais ce n'est pas après lui qu'on en a. Le mort ! Qui es-tu ? Les morts ne voient pas ! Mais je suis en vie, et je ne le vois pas. Oloros ! il était au conseil, l'Amiral non. Le général savait, il conduisait la flotte. Il m'a clairement fait sentir la menace. Le parti hégémonique des Atlantes ne voudra pas me laisser en vie. Jamais ils ne prendront le risque de voir naître la clef. Pourquoi ? Je l'ignore. Le déluge a-t-il été évoqué pour m'effrayer ? Le vieil amiral est intervenu Iolass aussi. Tous deux désapprouvaient. Je dois d'abord être initiée et guidée avant de pouvoir comprendre. Le fils a-t-il trahi le père ? Les morts ne voient pas ? Ce n'est pas un mort. C'est moi. Sous le voile de linceul, c'est mon visage qui se dessine. Comment ai-je pu l'ignorer ? C'est la mort qui m'attend sur le sol de l'Atlantide !

Je dois voir Psyché, je dois parler à Hippolyte. Il faut que tout soit prêt. Mon cœur se serre. La douleur est si vive. Non, ne pas faiblir. Pas cette fois ! Il vivra. Rien d'autre ne peut compter. J'ignore quand mais la clef naîtra. Je retrouverai Iolass. Je quitte ma mère endormie pour regagner mes appartements :

_ Psyché !

Je distribue mes ordres. Tout, impérativement tout, doit être parfait.

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant