Elle longe la muraille puis disparaît subitement derrière un amas dense d'enchevêtrement de ronces. Je la serre de près. Un souterrain. Évidemment, très utile ! À condition d'arriver jusqu'ici ! Or sans l'anneau de la reine comme laissez-passer, pas sûr que les gardes soient si coopératives. Elles sont nombreuses et très entraînées. J'ai voulu me distraire un peu. Mon escapade nocturne m'a permis d'évaluer leur réactivité. Je suis admiratif. Pas certain que l'Atlantide soit si bien gardée, mais encore faut-il l'atteindre. Sans sonar, impossible. Il existe entre ces femmes une telle cohésion, un lien permanent qui les font évoluer de concert sans que l'adversaire ne puisse rien percevoir. Une fois l'anneau présenté, ma mission vérifiée, mes mouvements ont été parfaitement libres. Elles ont comme disparu. Je dois admettre que j'ai été incapable de voir comment elles s'étaient passé le message. Seule Alia leur échappe. Elle a surgi d'un coup de la forêt. Sa force sauvage irradie, sa détermination brute aussi. De loin, j'ai eu du mal à distinguer la louve et sa maîtresse. J'ai même cru que la jeune femme chevauchait l'animal. Ilia doit être au-dessus de nous ; je me souviens bien de lui, ma main surtout. Mais l'épaisseur de la canopée le dissimule au regard.
Alia ne m'a pas invité à la suivre mais je n'en ai pas besoin. Je me passe de sa permission et entre à mon tour dans le souterrain. L'obscurité est totale mais cela ne la gêne nullement. J'ai plus de difficulté. Son rythme ne m'épargne pas, mais je suis persuadé qu'elle pourrait être plus rapide. Ses pas ne trahissent aucune hésitation, aucune erreur, à croire que ses yeux lisent les ténèbres. L'humidité suinte de partout, prégnante, salée. Cela m'aide à me diriger. Les intuitions de la reine étaient bonnes : sa cadette compte explorer les navires de ses invités. Sa mère n'a pas voulu refreiner ses ardeurs mais elle craint ce projet qui a priori n'est pas le sien. Je me demande ce qui pousse Alia à de tels risques. Décidément l'esprit de cette fille est étrange, inconstant, insaisissable. Les femmes de l'Atlantide sont d'une transparence en comparaison. Il faut dire que les occasions sont moindres à l'abri des gynécées.
Alia ralentit. J'en déduis que nous approchons. Un soupirail sert de sortie. J'approche et identifie d'un coup d'œil la lourde trirème de Méphistès. Alia sait-elle que les trois rangées de rames ne sont pas mises en branle par une armée d'esclaves ? Cela me décroche une grimace revêche ; demi-frère, il faudra m'y faire. Plus loin, à une distance non négligeable, le navire royal et ses deux escortes. Alia va quitter la pénombre mais je la retiens :
_ Tu as un plan, je présume. (Son expression goguenarde me châtie d'une telle évidence.) Puis-je en être ?
Elle réfléchit un moment, un trop long moment. C'est insultant. Je vais intervenir mais elle me devance en montrant une petite sarbacane:
_ Sais-tu te servir de cette arme ?
_ Rudimentaire, finis-je satisfait qu'elle ait cédé au tutoiement mais ma remarque l'a refroidie. Mais oui, je vise plutôt bien.
Mettant deux bouchons de tissus aux extrémités, elle m'indique ce qu'elle attend de moi. D'une facilité déconcertante. Soit : les plans les plus simples sont souvent les meilleurs. Juste une question de minutage.
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Déluge
FantasyAlia sait qu'elle va mourir. Sa sœur la tuera lors du combat de succession au trône des amazones. Elle n'a pas peur, la mort est une vieille compagne qu'elle attend en profitant de sa liberté. Mais un navire étranger bouscule son destin. Elle va dev...