Alia

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Humiliation pour humiliation, ma revanche est complète. Je suis satisfaite. L'atlante et moi regagnons en silence mes appartements mais je peux sentir sa colère le dévorer tout entier. Les Érinyes ne l'auraient mieux torturé. À peine la porte ouverte, Cyrène et Psyché me harcèlent de questions. Elles ne veulent rien manquer de l'audience. Je prends un malin plaisir à détailler l'entrevue. Il n'y tient plus et se dirige au comble de sa fureur vers la porte.

_ Suffit, m'écriè-je. Où croyez-vous aller ainsi, esclave ?

Il se retourne et fonce vers moi à une vitesse telle que je crois qu'il va falloir me battre. J'ai à peine le temps de saisir une des épingles de ma coiffure, mais il me la fait lâcher d'un revers violent de sa main. Akra, babines retroussées, veut intervenir mais d'un geste, je l'arrête. Il ne bouge plus. Ses yeux deviennent tristes, sa voix grave, presque sombre :

_ Pendant trois jours, vous avez combattu leur poison, donné la mort à cause d'eux, votre vie a basculé. Je ne vous savais pas si peu de mémoire.

Je n'ai pas oublié. Je n'ai rien oublié mais ce ne sont pas les Hyksos que je combats en ce moment.

_ Que voulez-vous ? demande-t-il désabusé.

_ Que le prince Iolass meure et qu'il devienne ce qu'il est...

_ À savoir ?

_ Un esclave, un amant.

_ Vous voulez un amant ? s'écrie-t-il hors de lui en m'embrassant furieusement avant de me jeter à terre. Jamais je ne serai l'esclave de votre race !

De notre race ? Quel est ce mot ? Que veut-il dire ? Il me guette intrigué et réalise que je ne comprends pas, que je ne peux pas comprendre. Ce mot n'existe pas dans notre langue. Tout à coup j'ai un rire nerveux. Oui, c'est ça. Je me souviens d'une vieille légende que me racontait Isoha, petite, lorsque mes nuits m'effrayaient. Les Atlantes doivent leur pâleur à la déesse aux bras blancs, Aphrodite, dont ils auraient mérité les présents. Protégés des dieux, ils doivent leur savoir, leur vie même à l'époque ancienne de l'âge d'or. Les Atlantes, le peuple élu, protégé des dieux, trop nobles pour se mêler aux communs des mortels. Cela m'amusait beaucoup, même toute petite. Isoha souhaitait que je pratique envers toute chose l'art du doute. Cette légende était parfaite dans ce cas. J'ai une idée. Bientôt je ne serai plus seule à douter. Je reprends alors avec douceur :

_ Très bien, vous serez seulement mon intermédiaire avec Méphistès. 

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant