Iolass

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Le tunnel est achevé. Bientôt nous monterons à l'assaut. D'abord nous prendrons le fort. Notre position acquise, nous nous jetterons sur la forge sans tarder. Les guerrières sont impatientes d'en découdre. Aucun hyksos ne doit en réchapper.

Hippolyte souhaite que nous accompagnions le groupe de Cyrène. Une fois les portes ouvertes, nous prendrons l'armurerie afin d'obtenir le concours des Amazones d'Alcantara. Hippolyte ne leur fait pas confiance mais ce renfort sera utile pour remporter la partie.

Notre petite troupe d'élite hétéroclite s'enfonce dans la montagne. Je crois en la loyauté de mes hommes et les éclaireuses de Cyrène ont plusieurs fois prouvé leur valeur. Deux loups ouvrent la marche. Dans l'obscurité, leur vue est précieuse. Je n'en ai pas besoin. Le cours tranquille de l'eau me montre la voie. Bientôt nous atteignons le bassin de décantation. Le contourner n'est pas une partie de plaisir pour mes compagnons. Une étroite margelle en surplombe la circonférence. Alourdis par les armes, leurs pieds glissent sur les carreaux de pierres polies. Je préfère la nage. Au bout, vers le nord, le tunnel s'élargit jusqu'à la citerne avec des trottoirs plus larges. Je les y rejoins.

_ Ah, ces Atlantes ! susurre Fenril. Toujours à vouloir qu'on les remarque.

Même les Amazones décrochent un sourire. Nous progressons encore. La fumée âcre des quelques flambeaux envahit nos poumons. La citerne, enfin ! La chaleur devient étouffante, doublée par l'humidité qui ruissèle de toute part. Cyrène et ses éclaireuses se mettent en place. Armées de cordes grappins, elles décochent leurs flèches. Un léger tintement se fait entendre. Nos flambeaux sont éteints. L'attente. Si les sentinelles nous repèrent, il sera trop tard. Le silence... Un oiseau de nuit... Rien ! Les éclaireuses commencent leur ascension. Une puis deux, trois... toutes réussissent. À présent, à nous. Pendant qu'elles quittent la citadelle pour ouvrir la porte du fort, nous devons retrouver la deuxième cour, tuer les gardes et nous emparer des armes. C'est parti !

Tor sort le premier. La voie est libre. Les Amazones ont déjà disparu. Je monte le dernier. Nous nous déployons. Les sentinelles sont sur les créneaux. L'obscurité est notre alliée. Sûrs de leur force, les Hyksos ne font pas garder les portes intérieures. Ça n'a pas changé. Où sont les guerrières ? Dans quel lieu gardent-ils leurs prisonnières, quand elles ne jouent pas leur mascarade ? La deuxième cour. Nous nous faufilons dans l'ombre. Ici les gardes sont plus nombreux. Méfiance ! Tor me fait signe. Il a raison, en deux groupes, nous aurons plus de chance d'atteindre les étages. Le chemin de ronde est au-dessus. La moindre erreur et nous serons criblés de flèches. Mes compagnons partent à la recherche de l'armurerie. Une grande pièce au premier étage a des fenêtres allumées : deux gardes devant les deux issues, des ombres qui vont et viennent à l'intérieur, quatre hommes au moins. C'est trop pour une armurerie mais suffisant pour des prisonniers. Fenril les a vues également. Je m'occupe des gardes extérieurs, mes compagnons se chargent des gardes dans les cellules. Ils n'auront même pas le temps de s'en rentre compte. Même à cette distance, je peux figer le sang de mes ennemis. De vulgaires statues de glace. Ils sont inoffensifs. C'est le moment ! À gauche, Fenril ne laisse aucune chance à son adversaire. L'hyksos tombe gorge ouverte sans avoir pu donner l'alerte. Les deux de droite n'ont guère plus de chance. Mon épée transperce mon adversaire avant même qu'il s'en aperçoive. Cassius tue le troisième. Le quatrième, pris par surprise, vacille sur les coups de Fenril et finit entre les mains de ses prisonnières, trop heureuses de nous donner un coup de main. Elles l'étranglent à mains nues. L'attaque n'a duré que quelques minutes. Nous faisons signe aux guerrières de garder le silence. Toutes ne sont pas là et, malgré mes efforts, dans la pénombre, je ne vois pas leur stratège. Nous les libérons de leurs liens.

_ La gouverneure est morte, murmure l'une d'elle. Les Hyksos ne lui ont pas pardonné votre venue. Ils craignaient que vous n'ayez repéré quelque chose.

_ Ils n'ont pas tort.

_ Leur commandant a demandé des renforts mais rien ne vient pour l'instant.

_ Il sera trop tard.

J'espère que Tor aura accompli sa mission. Les guerrières récupèrent les armes des morts mais elles ne suffiront pas. Le gros de la garnison est entassé dans les dortoirs de cette cour et nous ne sommes qu'une poignée pour résister jusqu'à l'arrivée de l'armée d'Hippolyte. Une fois les portes ouvertes, la progression devra être rapide mais le combat sera ardu, ne nous le cachons pas.

Pas besoin de signal. Le vacarme et l'agitation des sentinelles nous indiquent que Cyrène a réussi : les portes sont ouvertes. Les Hyksos se précipitent. L'effet de surprise est complet. Partout les chefs vomissent leurs ordres dans une désorganisation totale. Nous leur coupons l'accès à la ville basse. Tor s'empare de l'armurerie. Les Amazones se jettent dans la mêlée, à mains nues pour la plupart. Mais des jours de captivité les ont rendues enragées. Au corps à corps, à mains nues ou à l'épée, elles sont parfaitement entraînées. Je m'étonne que le fort ait pu tomber entre les mains de leurs ennemis et entrevois la dureté des combats.

Des cris remontent des faubourgs, les pas des chevaux. Hippolyte n'est plus très loin. Nos ennemis, surpris dans leur sommeil, désorganisés par l'effet de surprise, n'offrent qu'une piètre résistance. Ils se rendent rapidement. Victoire ! Une centaine d'hommes sont regroupés à genoux, désarmés. Hippolyte entre triomphante. Ses yeux étincèlent de satisfaction.

_ Prince Iolass, m'interpelle-t-elle. Reprenez vos hommes, Cyrène vous attend. Poursuivez-votre mission. Je veux voir cette forêt en flammes dès l'aube.

Elle ne nous accorde aucun repos. Très bien, cela me convient. Je passe près d'elle d'égal à égal.

_ Qu'allez-vous faire d'eux ?

_ Partez, Iolass, ordonne-t-elle. Ces lieux ne sont pas pour un atlante. Je ne ferai aucun prisonnier.

_ Les Hyksos ne vous le pardonneront pas.

_ Partez, vraiment... Je n'ai pas l'intention d'être pardonnée.

J'avoue obéir pour ne pas assister au massacre qui va s'opérer. Une fois qu'elle les aura interrogés, aucun ne survivra.

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant